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     Madagascar 1954 croisière en paquebot
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Expéditeur Conversation
Parceval
Envoyé le :  11/10/2020 9:24
Plume de platine
Inscrit le: 11/4/2011
De:
Madagascar 1954 croisière en paquebot



LE DEPART

Aléa jacta est, de bon matin, taxi, direction le port, c’est le grand saut dans l’inconnu. L’inconnu ce sont les bâtiments et les quais de la Joliette, et tous ces grands bateaux impressionnants ; le notre s’appelle « Jean Laborde » C’est un paquebot mixte avec une cheminée profilée noire, taille moyenne, coque et superstructures élégantes. Je suis littéralement scotché !
Nous nous présentons au comptoir des Messageries Maritimes pour les formalités longues et pénibles, et c’est en début d’après-midi qu’on est au pied
de l’échelle de coupée avec un porteur. A mi-hauteur, le sas d’accès ressemble à une grande bouche qui va nous manger, la passerelle bouge un peu, j’ai les guiboles en coton…
Finalement, le monstre nous avale, et nous sommes accueillis, identifiés par le Commissaire de bord. En trois coups de tampons, on nous confie à un garçon d’ « étage » qui nous cornaque jusqu’à notre cabine de deuxième classe et explique à Maman les services usages du bord.
Notre domaine, pour dix huit jours, a quatre couchettes, une tablette, un placard penderie, un petit lavabo et un hublot qui nous regarde de son œil rond encadré de cuivres rutilants.
A bord, c’est une ruche bourdonnante, avec tous ces gens qui s’installent.
Et ce bruit d’ambiance, souffleries et moteurs, qui sera la musique dont nous serons imprégnés, au point de l’oublier, mais de l’entendre encore bien après être arrivés à destination. Nous avons pris nos quartiers, posé les valises, affecté les couchettes, repéré douches et toilettes.
Je n’ai qu’une envie, d’ailleurs largement partagée, c’est monter sur le pont assister à l’appareillage. On a fini par s’y retrouver, après quelques errements dans les coursives et les escaliers, et assisté à la grand’messe, accoudés au bastingage, parmi les autres passagers.
Que de monde sur le quai, ils sont déjà petits, de mouchoirs agités, des au-revoir humides, des cris et des promesses, des joies et des tristesses. Les haut-parleurs relayent les ordres de la passerelle, on largue les amarres, remonte les haussières. La sirène du bord lance sont chant d’adieu. Un long frémissement et voila le quai qui s’éloigne ; puis on vire de bord, le cap est sur la passe ! Adios le Château d’If, adieu la Bonne Mère. On ressent l’air du large, Marseille n’est plus un port et le soleil s’en va……

LA VIE A BORD DU PAQUEBOT

Notre navire, le « Jean Laborde » était une des quatre unités qui faisaient les liaisons Marseille-Océan Indien. C’est un paquebot mixte, c'est-à-dire qu’il transporte du fret et quatre cent passagers ; il est quasiment neuf à cette époque.
Il est doté à l’avant comme à l’arrière de couples de mâts de charge servant au chargement et déchargement des marchandises. Le pont est équipé de panneaux de cale dans ces zones. Les passagers sont répartis en première classe (78), classe touriste (112) les troisièmes (48) et les rationnaires (62)
Tout ce petit monde est socialement très hiérarchisé et à priori ne se fréquente pas. C’est surtout vrai pour les premières : ils sont logés en cabines spacieuses avec salle de bains et  fenêtres, dans les œuvres vives, le « château »
Ils disposent de larges coursives latérales où s’alignent les transats, et prennent l’air sur les ponts supérieurs autour de la cheminée. Ils ont un salon dédié sous la passerelle et bénéficient de la plus large plage horaire de la piscine.
La classe touriste, dont nous sommes, est logée en cabine de quatre couchettes, sous le pont, en première ligne de hublots ; les douches et commodités sont communes à plusieurs cabines. Nous avons accès au pont principal juste devant le château, et un salon dédié au-dessous de celui des premières. On a droit à la piscine à certaines heures. Premières et touristes prennent les repas dans la grande salle à manger, avec services et secteurs différents.
Les troisièmes occupent des cabines plus « sommaires »avec hublot et les rationnaires sont en locaux aveugles qui font dortoirs avec hamacs prés des soutes. Ils sont en subsistance a la cantine d’équipage Ils n’ont accès au pont principal dans les zones de fret que la nuit et à certaines heures du jour.
Pour avoir fureté comme un petit rat toutes les zones « accessibles » du bateau, je puis vous assurer que les rationnaires étaient vraiment mal lotis.
Qui étaient tous ces gens ? En fait il y avait très peu de vrais touristes à bord. Il s’agissait principalement de fonctionnaires et officiers de rang divers, des cadres et employés des comptoirs et entreprises installées outremer et de commerçants, familles de, ou avec famille. Les troisièmes et les rationnaires regroupaient les militaires du rang, des petits commerçants voyageant pour leur négoce et une population cosmopolite allant chercher fortune sous les tropiques. Nous étions comme un village sur l’eau, reproduisant l’image de la société de l’époque et bénéficiant des commodités et commerces associés. Free-shops avec produits de luxe et alcools, salon de coiffure et de beauté, blanchisserie, cinéma certains jours et bibliothèque de prêt. Il y avait aussi fêtes et soirées, en plus du traditionnel passage de la ligne. Une petite piscine d’eau de mer, une nursery et jardin d’enfants. Les salons faisaient bar qui ne fermaient que quelques heures ; infirmerie, médecin, vaguemestre.
Le premier contact avec le large fut donc méditerranéen. D’abord la mer, sans rien à l’horizon avec l’illusion de la courbure terrestre. Et sa couleur violet presque noire lorsque le soleil est haut dans le ciel ; le sillage blanc d’écume et le vé des vagues formées de la tranchée de l’étrave qui ouvre le chemin. Nous avons été accompagnés presque tout le temps par des bandes de dauphins joueurs. J’étais littéralement fasciné par le spectacle jusqu’à l’hypnose.
Nous prenions nos repas dans la grande salle à manger ; c’était un vrai palace avec grands lustres, des miroirs, les tables nappées de blanc, jolie vaisselle, un maître d’hôtel et stewards pour le service. Évidemment on n’était pas très à l’aise au début, habillés tout propres, mais ça s’est vite arrangé. Nous étions toujours à la même table et servi par le même « garçon ». Ces gens avaient du métier et savaient du premier abord à qui ils avaient affaire ; ceux qui voulaient faire du genre en avaient pour leur argent en courbettes et ronds de jambe (il fallait voir ces dames faire des chichis pour être invitées à la table du commandant) ; pour les gens modestes comme nous, le service fut rapidement plus convivial. Les repas étaient copieux et de grande qualité, raffinés et variés.Viandes et poissons, fruits et pâtisseries. Je me régalais ou plutôt je m’empiffrais royalement. Ah, ces petits déjeuners avec les viennoiseries, les confitures et le beurre, le pain frais et les théières et cafetières argentées, les petits pots de lait en porcelaine blanche. J’étais bien parti pour faire du gras. Cerise sur le gâteau, je me rendis rapidement compte que j’étais insensible au mal de mer, ce qui n’était pas le cas d’une de mes sœurs.
Dans les périodes « agitées » ça se passait comme ça : la salle à manger se remplissait, les convives regardaient les boissons osciller dans les carafons et, à partir des hors d’œuvre, les sorties se faisaient de moins en moins dignes, il y en avait de tout pâles ou carrément verts, et moi je cassais une croûte terrible, vachement soigné par notre steward.
Les coups de tabac (Il y en a eu), pas de service en salle, mais des sandwiches. Et le prétexte de jeux : dans les coursives, entre deux escaliers, lorsque le bateau plongeait, je partais à fond de train vers l’avant, pour être freiné en bout de course quand l’étrave se relevait. Évidemment si quelqu’un avait la mauvaise idée de sortir de sa cabine, on frisait l’accident. Les noms d’oiseau, galopin, malappris, et des meilleures accompagnaient ma fuite…

Il y avait peu ou pas de gamins de mon âge, et je bénéficiais d’un statut spécial : comme j’avais encore dix ans, j’avais droit au jardin d’enfants. Les journées se passaient ainsi : Sur le pont à regarder la mer, sans jamais me lasser ; à la nurserie où j’étais le chouchou de ces dames, je m’occupais un peu des petits en leur lisant des histoires et surtout je prenais le goûter et le petit en-cas du matin (où donc ai-je pu mettre tout ça sans grossir visiblement ?) Le jardin d’enfant surplombait la piscine et avait une vue imprenable sur la poupe et l’autoroute blanche du sillage qui se perdait au loin, avec l’escorte des oiseaux marins. Enfin au salon avec Maman et mes Sœurs. Bien le salon, avec les revues et le bar, on buvait des citrons pressés (avec beaucoup de sucre) et autres rafraîchissements, on grignotait des biscuits et des cacahuètes, affalés sur les fauteuils. Ces dames causaient. Vue imprenable sur l’avant et les embruns et les paquets de mer par-dessus l’étrave quand la mer oubliait d’être bonace. Enfin, dans les créneaux horaires réservés, la baignade. Nous n’avons pas participé aux soirées ni été au cinéma et toutes prestations payantes, question de moyens. Au gré du voyage, souvent le soir sur le pont, j’ai pu rencontrer des matelots, des troisièmes que j’assaillais de questions. Ils me racontaient des histoires. Ils m’ont fait visiter les fonds c’est comme ça que j’ai vu les rationnaires dans leur « dortoirs ».  Il y en avait qui jouaient de la guitare.
Nous avons rapidement eu droit à l’exercice d’évacuation du navire.
Il y avait un carnet de consignes dans la cabine et des gilets de sauvetage sous les couchettes basses ; ça commencé avec les sirènes et les appels de haut-parleurs ; il a fallu enfiler ces trucs malcommodes et se rendre fissa au point prévu pour nous prés des canots de sauvetage ; là, appel nominatif, grand speech d’explications, démonstration de mise à l’eau d’un canot par l’équipage. Finalement, cet exercice devint réalité en 1991 et notre bateau connut la mort des braves au large du cap de Bonne Espérance.

Parceval
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Sujet :  Expéditeur Date
 » Madagascar 1954 croisière en paquebot Parceval 11/10/2020 9:24
     Re: Madagascar 1954 croisière en paquebot Sybilla 16/10/2020 2:40
     Re: Madagascar 1954 croisière en paquebot ZAGHBENIFE 2/11/2020 12:25
     Re: Madagascar 1954 croisière en paquebot Parceval 22/11/2020 14:26

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