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     FOREVER LA VERNE
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Expéditeur Conversation
Parceval
Envoyé le :  5/6/2023 10:44
Plume de platine
Inscrit le: 11/4/2011
De:
FOREVER LA VERNE

FOREVER LA VERNE
(Souvenirs apocryphes)

Aujourd’hui c’est jeudi, y en a qu’un par semaine…. Les devoirs sont finis. Alors, après manger, tu t’en vas promener, rendez-vous à la mer. Il fait beau, c’est grand bleu. Un petit mistral fraîchit bien l’atmosphère. On est en Février.
Tu pédales tranquille, route de Fabrégas. Tu passes le lieu dit Les Deux Chênes, amorces la descente qui conduit au pont de l’Oïde. Sois prudent, il te faut ralentir ; les freins protestent fort, grincements discordants. C’est que ton vélo, il n’est pas tout à fait le top du cyclotourisme. Dans ce temps, c’est plus souvent utile aux transports et déplacements qu’à la promenade.
Au virage du pont, tu es presque arrêté. Voyons, à droite en remontant, c’est la campagne Davin et une petite maison rose avec un jardin de plantes grasses et une serre vitrée remplie de cactées, dont la toiture laisse passer à un endroit un candélabre hérissé de piquants. Un petit chien façon Milou t’a vu venir et aboie au grillage. Une curiosité, la maison de Monsieur Jean. Monsieur Jean, on n’en parlera pas ici, parce que tu ne le connais pas. Pas plus que Françis, que Madame Jean et Jannot Davin. Pas encore…
Non, décidément, tu n’iras pas jusqu’à Fabrégas. Personne derrière ? Tu coupes à gauche au pont et là tu as le choix : Le chemin du Ravin qui escalade la colline ou le chemin du Cannier qui suit l’Oïde. Tu optes pour le vallon, direct pour La Verne…
Le chemin suit le ruisseau, goudronné par endroits, en terre battue à d’autres ; quelquefois l’un sur l’autre. Parce qu’il faut que tu expliques : l’Oïde, c’est un ruisseau qui vient des collines de Janas. La plupart du temps, tu cherches trace d’eau sans beaucoup de succès. Mais quand il fait orage, ça dévale et le chemin, c’est le ruisseau qui prend les gallons de torrent ! Ça déménage !
Tu descends en roue libre et puis stop, c’est terminus : murs de propriétés, clôtures grillagées et le cannier, en roseaux bien touffus. Il y a tout de même un sentier étroit qui longe le passage de la rigole. Il est si malcommode que tu y vas à pied en poussant le vélo.
Tu arrives au bord par une dune de galets blancs où l’Oïde se perd. On est rendu à La Verne, une anse de graviers où tu peux chercher le sable. Tu n’en trouveras pas, à moins d’entrer dans l’eau à distance du rivage.
Tu poses ta bécane contre les roseaux et approches de l’estran en marchant. Les pierres roulent sous le pied, de plus en plus petites en approchant de l’eau. Elle a la transparence du cristal et tu la sais glacée. Si tu y mets la main, elle va s’engourdir ; si tu y mets le pied, c’est la crampe assurée. Les pierres usées par le ressac sont comme des joyaux aux couleurs changeantes. Et tu peux lire au fond comme dans un livre ouvert : les algues vertes et brunes, les posidonies et les orties de mer qui ondulent paresseusement aux mouvements de la houle. Les « chapeaux chinois », les bernard-l’ermite, les bernacles, petites moules et huitres ; ça et là des oursins, épines redoutées, vengeances dégustées.
Les poissons et les crabes sont invisibles en cette saison. Cachés les gobbies, les blennies et les rouquiers. Le regard porte au loin, horizon bleu violet, qui te cache le sud et le parfum d’Afrique. L’aventure ! Ici on est à l’abri, et le vent peigne la mer de ses risées et friselis à distance du bord…
Tu vas t’asseoir sur le haut des galets, face à la mer. Un œil prudent, des fois que du mazout traîne par là. Machinalement tu as pris deux pierres blanches veinées de gris et tu les entrechoques. Tactactac, le silex fait des étincelles, et il flotte une odeur de poudre et de phosphore, tu aimes ça.
Ah, qu’on est bien, abrité du Mistral. Tu as le cul gelé, mais qu’est-ce que tu es bien ! Le soleil te fait de l’œil et vient chauffer la laine de ton pull. Le regard se perd au loin, tu t’enivres d’odeurs marines propres aux rivages ; tu es bercé par le souffle du vent qui agite la pinède là-haut et la musique discrète de l’eau : le chant des vaguelettes frappant le bord, petites gifles sèches : flac, flac … et le bruissement des graviers ronds au ressac, qui fait pchui, pchui…
Alors, tu mets la boite à idées en position roue libre et tu entames, entre rêve et réalité un lent panoramique : la barre à tribord toute !
Sur ta gauche, à la fin du muret et des roseaux, vient l’orée d’une vieille vigne aux ceps mangés par l’herbe folle. Aux beaux jours, c’est le terrain de jeux des apprentis amoureux. Tu connais, hein ? Canaillou, va ! Au bout, le sentier où tu serais arrivé par le chemin du Ravin. Après, c’est la colline de Marvivo et sa pinède. Tu aurais aussi pu passer par là, sans le vélo, car l’accès est raide parmi la rocaille et les racines de pin. Tu prendrais le Vieux Chemin de La Verne après avoir passé la belle villa-château Hugues Cléry, longé la Campagne Rey et, en habitué, trouvé le sentier de la pinède.
Tu reviens sur le bord, sur la pente rocheuse, tu t’amuses à compter les pointus au repos sur leurs chariots, accrochés aux treuils rouillés. Les lignes de rails pour accéder à l’eau te font penser aux trains : c’est ça, les pointus sont des locomotives de mer rentrées au garage !
Eh, oui, là aussi, il faut que t’expliques, c’est comme pour le cordon de gros galets : ici, quand la mer se déchaîne aux vents d’est et de sud, c’est pas de la rigolade, vaut mieux être à l’abri des vagues !
Tu effleures d’un œil distrait le blockhaus qui ferme l’anse ; La presqu’ile de Saint-Mandrier est visible au loin, coté les Moulinières et la colline de la Renardière. Là-bas il ya des gros canons…
Changement de cap, a bâbord lento par le large, la grande bleue…
Impressionnant, le Cap Sicié qui tombe abrupt dans la mer, et les ilots – les Deux Frères – rescapés d’un lointain cataclysme. Au sommet, emblématiques, la tour du sémaphore et Notre Dame du Mai. Rabaissant ton regard, tu reviens sur La Verne ; un autre blockhaus et une jetée privée, reliée à une villa cossue, la butte – on le devine – marque la séparation d’avec la baie de Fabrégas. Tu te perds derechef dans une grande pinède qui vient jusqu’aux rochers du bord. Le sol est très rouge sous le tapis d’aiguilles de pin ; il est structuré par tout un réseau de racines apparentes comme autant de nerf et de vaisseaux d’un monstre végétal écorché. Tu viens souvent hors saison et tu ne t’en lasses pas…
Aux beaux jours… Aux beaux jours de l’été passé, c’est le domaine des baigneurs pique-niqueurs ; le sol est envahi de nattes, couvertures, nappes et couverts, chaises et tables pliantes. Plein de vélos et remorques sont adossés aux pins ; on casse la croûte, on sieste, on joue aux cartes ; des tas d’enfants courent partout. Des cris, des rires, ça bourdonne comme une ruche.
Sur la plage de galets, il y a une cabane de bambous, frites, sandwiches et autres bonbons ; et dans l’après midi, le triporteur des glaces. Ah ! les pivolos, comme c’est bon ces cylindres de glace aux aromes colorés, mmmh !
Il n’y a jamais trop de monde, because les cailloux, because les oursins. Les bains sont animés, épuisettes et foènes, lunettes, masque et tuba. Sans oublier les sandales en plastique, les épines ça fait mal ! Les pêcheurs sont cantonnés aux rochers. On se régale à l’eau, à courser les poissons, et embêter les filles ; on joue aux explorateurs dans les herbiers, on débusque les crabes et les esquinades ; quelquefois des poulpes. Certains ramassent les oursins. Chut ! il ne faut pas le dire, c’est interdit ! Ils seront dégustés sur place. Tu ne parleras pas du copain qui a amené la chambre à air de camion, c’est génial ! Evidemment c’est le paradis, mais avec les inconvénients du «  sauvage » : les poubelles débordantes, les papiers gras qui volent, les odeurs de graillou et d’autres peu reluisantes dans le cannier…Sans compter le mazout ! Efface, efface, ne garde que le soleil, ses souvenirs brûlants et les bons moments avec les copains et les copines…
Tiens, tu te réveilles ? Il faut repartir, t’as pas de montre, mais tu sais qu’il faut partir… Tu te lèves ankylosé, fais un choix de galets plats d’ardoise et tente les ricochets, le premier est un bide, mais le second, une merveille, t’en compte dix, de rebonds !
Tu récupères ta bécane, optes pour la grande pinède pour rattraper le vieux chemin de Fabrégas, et tu retournes tranquille aux Sablettes. Maman, je rentre à l’heure ! Jeudi, c’est fini ; tôt demain, un gros cartable, le car Étoile, et l’école à La Seyne.
Dix neuf cent cinquante sept, ça te va ? Moi, ça m’a fait plaisir que tu racontes….



Michel Richard dit Parceval
12/10/ 2013
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Sujet :  Expéditeur Date
 » FOREVER LA VERNE Parceval 5/6/2023 10:44
     Re: FOREVER LA VERNE Sybilla 5/6/2023 21:49

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