Lorsque les ors du soir tombèrent, la chasse rentra...
Avec un maigre trophée...
Une ourse et ses petits étaient attachés sur un cheval de bât...
Elle avait voulu les défendre et on avait tué les oursons, car sans leur mère, ils n'auraient pu survivre...
C'était tout ce qui avait pu être abattu... Pas de quoi revenir heureux...
Le Burgrave avait conscience que ce type de chasse privait la nature d'une reproduction nécessaire à ses besoins cynégétiques...
Il songea que le manque de mâle à affronter ce jour-là dans cette grande forêt était peut-être la preuve de certains abus...
C'était un homme qui, derrière son aspect bourru, avait une lucide intelligence...
Arrivé à la hauteur des deux hommes qui l'attendaient avec leur bonne prise, il les félicita chaudement. Ils n'étaient pas venus dans cette maudite course et avaient patienté, bien tranquillement, après avoir renversé un gibier mieux adapté à ses cuisines...
Cette volubilité chaleureuse n'était pas dans ses habitudes...
Ceci lia particulièrement ce noble assez secret à ce jeune seigneur dont il avait pu apprécier le courage et le sens des valeurs...
Il l'accepta à sa table tandis que le fidèle Gisbert allait s'égayer chez les domestiques avec lesquels son sens de l'humour et son esprit de camaraderie furent fort appréciés...
Le jeune comte put faire ainsi la connaissance d'Edda, la fille cadette du Seigneur des lieux qui avait à peu près son âge...
Le coeur de la jeune fille avait des accélérations lorsqu'elle apercevait celui qui, dans l'enceinte du château, bénéficiait d'un certain crédit, depuis qu'il avait sû, à cheval, faire capituler un Auroch...
Se sachant voué au célibat, Robert avait sur les femmes un regard distant et des appréciations fort incertaines... Il n'avait eu que des frères aînés, ayant perdu sa mère dans son jeune âge...
Ce n'était pas ses quelques rencontres avec de jeunes cousines qui avaient pu le renseigner sur l'âme féminine...
Enchaîné dès le plus jeune âge aux travaux guerriers, maniant l'épée, la hache et la lance avec une dextérité de plus en plus accentuée il ne s'était jamais vraiment préoccupé ni d'amour ni de courtoisie...
Edda était sa première vraie rencontre... Lui qui avait vécu avec des moines soldats depuis pas mal de temps, il parlait à une damoiselle pour la première fois...
Il parlait peu mais il savait écouter... Lorsqu'ils se rencontraient dans le petit jardin attenant au grand donjon, il s'asseyait, recueilli, et se plaisait à entendre cette douce musique qui lui racontait les anecdotes de la journée...
En général il était assez fourbu après une dure séance d'entraînement mais n'en laissait rien paraître...
Derrière une embrasure, bien dissimulé à leur regard, le Burgrave observait leur manège qui, d'une certaine manière l'amusait...
Ils ne se cachaient rien, car, entre eux, il n'y avait rien à cacher...
Entre ces deux âmes pures qui n'avaient jamais connu une quelconque écornure régnait une totale compréhension...
Lorsqu'elle prenait la harpe, le soir, pour en égrener des notes mélodieuse destinées à accompagner un chant qui rappelait quelque légende saxonne, la chair du garçon frissonnait...
Aucun des deux, ne se doutait, en ces moments si émouvants, par quelle suite leur histoire allait se poursuivre... Ni quel enjeu terrible allait peser sur leurs jeunes épaules...
(A Suivre...)
