Le galop des chevaux dans la nuit semblait sourd car la terre était trempée par la boue d'une pluie récente...
Ils traversèrent un hameau endormi, longèrent une forêt.
Ils se trouvèrent près d'un lac, au milieu duquel, quelques lueurs qui se reflétaient dans l'eau très noire, indiquaient la présence d'une habitation...
Là était implanté un manoir...
Un long pont de bois soutenu par d'énormes rondins permettait d'atteindre la poterne où un espèce de géant masqué prit leurs chevaux...
Un hall de bois et de pierre richement sculpté les attendait. Ils gravirent un escalier pour pénétrer dans une grande salle richement tapissée où un homme, sous une cagoule indigo et vêtu d'une tunique de la même couleur, les attendait... Ses mains, gantées de noir, étaient posées sur une table massive , derrière laquelle il était assis... Il portait une bague identique à celle de Robert avec un poignard torsadé...
Le guide s'éclipsa...
« Bienvenue eu de l'Ordre Souverain de la Sainte Vehme »se contenta de prononcer le ténébreux occupant...
Robert fut éberlué... Il lui semblait connaître le son de cette voix mais il ne pouvait identifier exactement de qui elle provenait car elle était admirablement déformée...
Il lui fut ordonné par son mystérieux interlocuteur de mettre à son doigt l'anneau identique à celui qu'il portait et que le jeune homme avait en sa possession dans son aumonière...
« Vous voilà Franc-Juge mon cher... L'Ordre vous a détaché pour une mission. Ceci n'est pas inhabituel... il l'a fait déjà pour d'autres de vos frères afin de servir notre Grand Tribunal Secret...La sainte Vehme... »
Puis il se contenta de préciser :
« Vous avez ordre prestement et rigoureusement de trouver et d'amener à notre Justice les protagonistes du massacre des moines de Lammerling qui a eu lieu au mois de Juillet de cette même année... »
« Mais je ne saurais... » bredouilla modestement Robert, pris au dépourvu...
« Vous le ferez car nous avons évalué que vous êtes capable de mener à bien cette mission. De plus vous ne serez pas seul... Des assesseurs vous viendront en aide en se dévoilant à vous par une simple locution glissée trois fois dans une phrase qui semblera anodine ... »
-" Et quelle sera cette locution?" demanda Robert pas encore tout à fait rassuré...
« Cette locution sera... "Absit invidia”" révéla la voix énigmatique...
Puis lui fut annoncé détail par détail le contenu de son mandat :
« Etant donné que nous savons que le Landgrave est incapable de remplir sa fonction de police féodale vous irez dans son château identifier pourquoi et éventuellement lui prêter main-forte... »
« Devrais-je me servir de ma bague pour m'identifier ??? »
« Que non !!! Tout doit être... geheimnis...confidentiel... Vous aurez pour vous couvrir la tâche officielle de convoyer et de patronner la jeune Emma que vous connaissez et qui se rendra chez Dame Hildegarde la belle-soeur de notre Seigneur le Landgrave pour parfaire son éducation de jeune fille noble...»
L'étrange locuteur s'arrêta, puis précisa :
« Il est coutume en nos contrées que la filleule aille vivre quelques temps chez sa marraine pour qu'elle puisse acquérir les manières qui feront d'elle une parfaite Adelige... une aristocrate accomplie, comme il convient à sa position... »
« Et que ferai-je pendant ce temps-là ???»
« Vous observerez, vous vous préoccuperez de ce qui vous entoure, vous chasserez discrètement... et peut-être le gibier vous arrivera-t-il aussi bien que l'Auroch de ces derniers temps... »
A ces mots il eut un petit ricanement : « Vous vous en êtes bien sorti... m'a-t-on raconté...Pourquoi ne renouvelleriez-vous pas ce genre d'exploit ???»
Robert resta bouche bée... Il n'en croyait pas ses oreilles... quel type de sorcier avait-il face à lui ???
Puis il se ravisa... Ces malheureux moines dont il avait approché les tombes devaient avoir réparation et leur agression devrait être châtiée. Il en serait donc !...
Il prit congé du curieux personnage qui l'avait accueilli, non sans avoir eu quelques dernières recommandations. Il remonta seul sur le cheval noir et regagna sans encombre le château du Burgrave avant le lever du soleil...
Curieusement le pont-levis était baissé, comme si on l'attendait...
Le lendemain lorsqu'il fouilla les écuries pour retrouver la monture qui l'avait si intelligemment transporté il ne put savoir où se trouvait l'animal...
(A Suivre...)
