Dans les nuagesC'était l'heure de partir pour l'école, le petit déjeuner avalé. Mais Tom n'avait aucune envie d'être enfermé pendant des heures dans une salle de classe obscure. Il faisait si beau dehors ! L'automne déployait tous ses feux et le ciel en particulier était d'un azur profond, immense océan charriant des paquebots de nuages.
Pas question de rentrer en classe ! Tom sortit précipitamment et claqua la porte derrière lui. Il chemina au hasard dans la rue, le nez en l'air, les mains dans les poches. La liberté avait un parfum grisant ! Il aurait tout donné pour pouvoir enfourcher un nuage et parcourir les horizons sur cette monture duveteuse et aérienne...
Au moment où il formulait ce souhait dans sa tête, il perçut un grincement étrange dans la ruelle qu'il croisait. Empli de curiosité, il se dirigea dans cette direction et tomba nez-à -nez avec un vieil homme inquiétant, à l'oeil perçant. Il eut un mouvement de recul mais l'inconnu lui sourit, rassurant. Il affirma qu'il ne souhaitait que le bonheur de Tom et qu'il avait le pouvoir de réaliser tous ses rêves.
Comme se tenir debout sur un nuage par exemple et parcourir le monde... Tom était sidéré. Comment ce vieillard avait-il pu deviner ce qu'il pensait ? C'était fou !
Ne voulant pas paraître impressionné, Tom lui demanda avec assurance ce qu'il réclamait en échange. Il avait pris un ton désinvolte mais n'était pas tranquille. L'étranger désirait son âme en échange de cette faveur. Son âme ! Et puis de quoi encore ! Plus personne ne croyait à ces sottises du passé ! Tom accepta en ricanant ostensiblement. L'homme lui lança un regard furtif, proprement diabolique, puis disparut prestement.
Le garçon se sentit alors propulsé par une force invincible jusqu'au sommet des arbres qui jaunissaient en ce début d'automne. Il montait, montait, montait toujours, s'élevant dans les airs comme une bulle de savon. Bizarrement, il n'avait absolument pas le vertige. Il se retrouva juché sur un merveilleux cumulus au-dessus de la ville...
Quelle surprise, quel ébahissement ! Tout était si fabuleux ! Il avait la cité sous ses pieds et son regard embrassait l'horizon. Mais le nuage se déplaçait et Tom était du voyage. Il se retrouva bientôt loin de la ville, survolant la campagne. Les champs se succédaient sans discontinuer, immense puzzle visible seulement du ciel. Tom était ravi, c'était splendide.
Il survola bientôt un petit bois. Les branches d'un hêtre immense frôlèrent presque son nuage. Quelle émotion ! Mais un oiseau vint le distraire de ses peurs. Il voltigea autour de lui en poussant des petits cris. C'était bien amusant, mais le cumulus poursuivit sa route tranquillement.
Pendant des heures, Tom subjugué découvrit son pays vu du ciel, c'était merveilleux.
Puis d'autres nuages rejoignirent le sien. Ce fut comme une mer immense aux vagues géantes qui parcourait l'azur. Que de beautés ! Au bout d'un moment, le garçon vit un point noir à l'horizon grandir infiniment et s'approcher de lui. Plus les secondes passaient, plus l'enfant tremblait. Un avion ! Il allait très vite. La collision était inévitable, Tom était directement sur sa trajectoire.
Il se sentit emporté par un souffle immense qui le fit chuter brutalement. Quelle horreur ! Il descendit comme une pierre vers le sol. Un visage de vieillard ricanant se matérialisa subitement devant lui pendant sa chute interminable. "Je viens chercher ton âme", lui lança-t-il. C'était la fin, Tom allait périr écrasé au sol et se retrouver directement en enfer ! Il lui sembla que son coeur explosait de terreur dans sa poitrine. Il perdit conscience.
Une main le secoua sans ménagement dans son lit tandis que la voix agacée de sa mère retentissait à ses oreilles. Qu'attendait-il pour se lever ? Il allait être en retard à l'école ! Tom comprit subitement la situation. Il avait rêvé, tout simplement, un horrible cauchemar qui commençait si joliment...
Il se dépêcha de se laver et de se préparer, comme tous les matins. Son soulagement était indescriptible. Plus jamais il ne se laisserait aller à regretter son sort. La leçon du destin avait porté.
FIN