L'oisillon maladroitJadis, dans un pays merveilleux, là où les animaux parlent, se dressait au coeur de la forêt des Songes un arbre immense dont les racines plongeaient jusqu'aux Enfers et dont la cime atteignait les nues. C'était un chêne majestueux. Cet arbre abritait de nombreux nids d'oiseaux et au printemps, puis en été, s'élevaient des branches des chants joyeux et gais.
Sur la quatrième branche à partir de la droite, un petit nid abritait un oisillon nouveau-né, jeune mésange qui avait encore tout à apprendre de la vie. Mais pour l'instant, ce petit oiseau prénommé Tom poussait lentement mais sûrement sous l'oeil attentif de ses parents, bien à l'abri dans le nid familial. Les jours, les semaines passèrent et ce qui arrivait toujours, arriva. Ce fut le grand moment de l'envol. Première rencontre avec les éléments, première épreuve pour le petit, bien effrayé mais néanmoins, empli de curiosité.
Les parents mésanges lui firent la leçon : il fallait être prudent, veiller au moindre incident, regarder à droite et à gauche avant de traverser le ciel. Muni de ce viatique, un beau matin, le jeune oiseau bondit hors du nid. Il battit des ailes frénétiquement pour éviter la chute, comme le lui avaient conseillé ses parents. Il réussit à atteindre la lisière de la forêt en voletant joyeusement mais, comble de malchance, à ce moment-là , un gros pigeon ramier qui regardait sottement derrière lui croisa sa route. La collision était inévitable. L'oisillon, en digne débutant qu'il était, ne put l'éviter. Il tomba en chute libre sur le sol.
Quelle catastrophe ! Heureusement, son plumage soyeux et encore tout duveteux amortit le choc. Il se foula juste une aile mais il était désormais dans l'impossibilité de reprendre son vol. Quant à marcher, ou plutôt sautiller, jusqu'au nid familial, c'était exclu : Tom en était beaucoup trop loin et de toutes façons, il souffrait trop pour envisager pareil voyage.
Le désespoir envahit l'oisillon, à moitié couché sur une motte de terre. Quelle déchéance ! Il se mit à pleurer à chaudes larmes. Mais soudain, un petit bruit attira son attention, un frôlement léger. Mais oui, une petite martre se rapprochait de lui en le regardant d'un air intrigué. Tom était terrifié mais le mustélidé ne se montra pas menaçant, bien au contraire. Il lui sourit de toutes ses dents et le rassura, promettant de s'occuper de lui le temps qu'il faudrait. Son terrier était tout près, il l'abriterait jusqu'à ce que Tom se remette.
Éperdu de reconnaissance, l'oisillon maladroit se traîna jusqu'au terrier de la martre. Là , pendant de longs jours, il put reprendre des forces et se rétablir. Le mammifère était un grand bavard, il était ravi d'avoir de la compagnie moyennant un peu d'eau et quelques graines. Au bout d'une semaine, parfaitement remis, Tom put s'envoler aisément. Quelle joie de pouvoir à nouveau voleter sans contrainte ! Mais l'oiseau avait contracté une dette et voulut s'en acquitter sans attendre.
Il proposa un baptème de l'air à son protecteur qui accepta, ravi. Ce dernier monta sur son dos et l'oisillon s'envola derechef. Ce fut un périple tout à fait merveilleux qui ravit le petit mustélidé. Revenus au sol, ravis de l'excursion à deux, il se séparèrent à regret et chacun reprit sa vie, l'un dans les airs et l'autre trottant au ras du sol. Ainsi va la vie, mais l'amitié a toujours le dernier mot : quel doux souvenir dans ces deux coeurs !
FIN