Plume de diamant Inscrit le: 25/4/2021 De: France |
Le pavillon de chasse (conte fantastique) Le pavillon de chasse
Printemps était venu, le mois de mars s'achevait lentement, il devenait urgent de renouer avec les bonnes habitudes et les vieilles connaissances, comme le parc de la ville, trouée verte offrant ses frondaisons toutes neuves aux regards extasiés. C'était un pur bonheur.
Il y avait de la promenade dans l'air, un air d'ailleurs encore un peu frais mais alléchant sous le ciel neuf.
Elle s'engagea donc entre les grilles à l'heure de midi. Elle ne déjeunait pas, toujours cette manie de ne pas faire comme tout le monde !
Le sol était un tantinet boueux mais les merles affolés, affolants, dans leur liesse entraînante, faisait oublier le revêtement.
Quelle allée choisir ? Celle sur sa gauche lui parut nouvelle. C'était impossible, le parc n'avait pas été modifié depuis sa dernière visite ! Elle s'engagea sous les frondaisons.
Curieusement, très vite, elle ne reconnut rien. Pourquoi donc cette allée, boueuse elle aussi, sur sa droite ? Pas de réponse, un parfait mystère. Les arbres par chance étaient joyeusement verts et l'ambiance générale portait à se réjouir de l'heure.
Au bout d'un moment, elle aperçut au loin une statue, puis deux. Les belles avaient ôté leur capuchon d'hiver, tradition bien ancrée pour les protéger du gel. Mais, après tout, c'était Printemps, il fallait être audacieux !
Soudain, au bout de l'allée qui lui semblait toujours bizarre, un pavillon de chasse sembla se dessiner. Un pavillon de chasse ? Et puis de quoi encore ! C'était impossible ! On ne construit pas un tel édifice en deux mois !
Elle s'approcha des fenêtres, méfiante. Une musique douce, une valse hésitante, retentissait derrière la vitre. Des lueurs se déplaçaient sous les rideaux épais, poussiéreux sans doute. Quelle étrange aventure ! Il n'y avait âme qui vive autour d'elle. Elle était seul témoin de cette fête bizarre qui avait l'air de se dérouler en ces lieux.
Elle distingua derrière les vitrages des silhouettes fines, en habit et robes de bal qui tournoyaient sous des lustres de cristal. Elle se pinça, croyant rêver. Tout était si bizarre. Aucun gardien ne la chassait, elle pouvait contempler cette réception inattendue en toute tranquillité. C'était féerique et lumineux, tel un coeur qui bat dans l'ombre, diffusant sa lumière et sa vie.
Elle fit un effort pour échapper à sa fascination. Elle avait l'impression que son âme adhérait à la vitre, magnétiquement attirée par un sortilège maléfique.
Elle s'éloigna à grands pas, un peu perdue. Elle ne reconnaissait toujours rien ! Mais quelle étrange malédiction l'avait saisie ce jour-là ?
Tant bien que mal, elle tenta de retrouver son chemin. Pensant descendre, elle remontait puis, curieusement, alors qu'elle croyait s'être encore éloignée, elle se retrouva derrière les grilles du parc. Elles étaient béantes comme précédemment. Les visiteurs ne se bousculaient pas, c'est le moins qu'on puisse dire. L'heure, sans doute, la fraîcheur... Qui sait ?
Elle s'enfuit rapidement, soulagée de quitter les lieux pour la première fois de son existence.
Lorsque, bien plus tard, elle s'enquit de cette nouvelle construction hypothétique dans le parc, les employés de la mairie la regardèrent de travers. Aucun nouvel édifice, naturellement. Un peu fofolle, la dame ?
Tout était dit. Elle ne remit jamais les pieds dans ce parc, jadis son favori.
FIN
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