L'oiseau et l'étoile
La forêt est un monde magique. Ruisseaux, arbres et animaux y vivent parmi les songes. La nuit n'est pour eux qu'un plus beau rêve.
En cet univers charmant, un drame s'était noué. Un oiseau nocturne, un engoulevent pour être plus précis, se lamentait sans cesse et son chant désolé montait jusqu'aux cimes des arbres.
Il était amoureux ! Oui, il ne pensait qu'à cette belle étoile qui étincelait sur sa tête chaque nuit. Ses larmes coulaient, naturellement, car l'astre nocturne ne lui répondait jamais. Sa plainte continuée attristait tout le monde.
Finalement, une chouette compatissante supplia les autres habitants des bois de tenter de le consoler. Il fallait qu'il se reprenne ! Jamais une étoile ne l'aimerait en retour.
Les étoiles n'aiment personne, c'est bien connu, elles se contentent de briller sans cesse. Certes, elles sont merveilleusement belles et brillantes, mais elles ne sont pas dotées d'un coeur. Qui les aime brisera le sien sur leur écorce de cristal !
Tour à tour et sans tarder, les animaux se succédèrent pour essayer de le raisonner. Le hibou, vieux grigou malicieux, essaya même l'insulte et le dénigrement, ses ricanements s'entendirent jusqu'à la ville voisine !
Las. Toutes ces stratégies échouèrent et l'engoulevent persista dans ses pleurs et ses lamentations.
Enfin, de guerre lasse, la chouette elle-même se lança dans la bataille. Elle se creusa la tête, qu'elle avait duveteuse, et finalement, pensa avoir fait le bon choix. Il fallait, pour assécher les larmes de l'engoulevent, tenir un seul discours, celui de la beauté et de l'émerveillement, celui de l'étoile elle-même, celui de la poésie.
Elle avait raison, l'engoulevent sécha ses pleurs et se découvrit une passion nouvelle pour la littérature, qui l'absorba totalement. Il ne pleura plus jamais, passant ses nuits à dévorer les anthologies poétiques dans la bibliothèque de la cité voisine.
Mais quel était donc ce merveilleux poème, parole de Circé qui avait su séduire le triste oiseau ?
C'était un secret bien gardé par les habitants de la forêt mais une certaine Sphyria (la coquine !) réussit à le dénicher sous une écorce d'arbre.
Le voici :
Amoureux d'une étoile
Chante l'engoulevent, conte ton espérance,
Lamente-toi sans cesse, ô bel oiseau de nuit,
Pleure, mon triste amant, jamais celle qui luit
N'entendra ton sanglot d'éternelle souffrance.
L'étoile est un reflet de vive fulgurance,
Elle est si loin de toi, pauvre coeur trop séduit,
Elle ignore tes pleurs, étincelle sans bruit,
Puis s'endort au matin, parfaite nonchalance.
Mais ta plainte est jolie, elle enivre le Temps,
Il semble s'arrêter sur ce nouveau printemps,
La cascade elle-même écoute ta douleur.
Ta musique d'amour charme à jamais les anges,
C'est un immense voile, un songe ensorceleur,
Un vibrato sans fin aux volutes étranges.
FIN
(Sphyria)