Plume de platine Inscrit le: 11/4/2011 De: |
UNE AUTRE HISTOIRE 10 Une autre histoire - 10 -
Dernier round: l’Agence Brémond, c’est juste à coté, en bas du cours du marché. La seule en centre ville. Des indépendants. Il croise les doigts… Dans la vitrine: des locations, peu de neuf et de l’ancien. Tiens, une passante, chargée d’un gros cartable pousse la porte d’un air décidé. Il la suit. Elle claironne: ? Hello, Lo, c’est moi! Tu as pu avancer? Oh, pardon. Bonjour Monsieur… Entrez donc, nous sommes à vous.
Une jeune femme se lève de son poste informatique, tandis que l’autre se décharge de son cartable sur l’autre bureau. Sourire commercial : ? Vous désirez ? Un peu interloqué par cet accueil, il hésite et comprend en un éclair : Il est en tenue de ville, avec attaché case, la panoplie standard du VRP. Avec un large sourire : ? Rassurez-vous, Mesdames, je n’ai rien à vendre, par contre, si j’ai bien lu l’enseigne, peut-être que vous… Elles rient sous cape, détendues, cordiales. Les assauts de banalités épuisés, la plus âgée dit : ? Laure, veux-tu bien voir avec monsieur… Et c’est reparti pour un tour, il explique : ? Voilà , j’ai le projet de m’installer à Pézenas et ouvrir une officine d’avocat conseil. Je recherche donc à l’achat un logement, si possible permettant de grouper domicile et bureau. On l’écoute religieusement, elle demande des détails. Sa carte de visite lui vaut : ? Vous êtes parisien ? ? Pas vraiment, mais je compte délocaliser mes activités dans la région, c’est un vœu d’il y a quelques années ; Pézenas semble offrir de bonnes opportunités, cette ville me plaît beaucoup. ? Y a-t-il une zone qui ait votre préférence ? ? Oui, j’ai eu le temps de visiter urbi et orbi, et la proche périphérie du centre ville me conviendrait. Grosso modo, la ceinture suivant le parc Saint Jean, l’hôpital, pour finir au square Jean Moulins. ? Et quel type de logement, quelle superficie ? ? Plutôt une maison à deux niveaux, deux T3 ou un seul avec rez de chaussée aménageable. On lui propose trois maisons dans ce périmètre, mais sans possibilité de bureau, des T4 ou T5. A l’analyse, peut-être le T5, mais avec des aménagements lourds : un îlot sanitaire à l’étage et une entrée supplémentaire en bas. ? Vous savez, on peut visiter, ça n’engage à rien. Prenons rendez-vous Samedi en début d’après-midi  ; votre épouse pourrait se joindre à nous… ? C’est gentil à vous mais je suis veuf… Ceci dit, on peut essayer Un silence gêné : Elle a rougi et se défend de l’impair. ? Excusez-moi , mais comme vous portez une alliance, j’avais cru … Laure est vraiment confuse. Lui aussi, un peu : il n’a jamais eu le courage d’enlever l’anneau... On convient de se retrouver à l’agence à quatorze heures. Il passe le vendredi à flâner dans le centre historique, pour se changer les idées, préoccupé qu’il est par la tournure des évènements. Il s’était donné quinze jours pour trouver un bon plan. Il reste une semaine avant de remonter sur Paris et il se fait à l’idée qu’il devra louer, à moins d’un miracle. Enfin, on verra samedi. Bastien est intrigué par celle qui va le cornaquer, cette jolie brune aux yeux verts mordorés, ah oui, miss Brémond. De son point de vue, elle a peu exagéré sa gêne pour sa bévue, alors que lui minimisait: elle ne pouvait pas savoir. Attitude commerciale ou alors sa situation aurait-elle éveillé le souvenir de douleurs passées? A l’heure dite, il se rend à l’agence, en tenue décontractée, la number two : blouson, jeans et sneakers. Il a bien fait, car elle l’accueille dans la même, version féminine. ? Si vous voulez, on peut s’y rendre à pied, c’est juste après le ghetto. ? Ça me va tout à fait, il fait un temps splendide. ? Et pour me faire pardonner mon indiscrétion, je vous invite à prendre un café où jamais vous n’auriez imaginé le boire… Il est partant et elle l’emmène rue Triperie Vieille, la ruelle bordée d’échoppes d’artisans qu’il connaît déjà . A sa grande surprise, c’est au bouquiniste qu’elle entre : ? Salut Momo, salut Christian, tu nous fais du café? ? Mais oui, ma belle, on s’y attelle. Comme dab? Ils parcourent les présentoirs débordants de livres et revues. C’est une vraie caverne d’Ali Baba : Ouvrages anciens, affiches, collections SF, policiers, BD introuvables, romans de hall de gare se mélangent à l’envi. ? Venez, c’est presque prêt ! Ils sont invités à s’attabler dans l’arrière boutique. Elle donne sur la partie privée où de l’eau chante sur la cuisinière de fonte. Momo vide le tiroir du moulin à café dans le filtre d’une cafetière émaillée, une vraie antiquité ; y verse doucement le liquide bouillant : On boit l’odeur. Chris se pointe avec un plateau de deux tasses king size garnies de chocolat, biscuits et sucre. Il fait le service avec la classe d’un pro... ? Tu nous accompagnes ? ? Non, t’es sympa mais on a à faire. Je vous laisse la caf et de l’eau. Une autre fois. Bastien est scié, agréablement, le café est excellent. Ils dégustent, il en reprend et interroge : ? Oh, rassurez-vous, ils ne font ça qu’avec les bons clients et les amis… Dont je suis. ? Bon, gagné, vous êtes pardonnée, je l’avais déjà fait, mais je réitère. Ils reprennent le chemin, bras dessus, bras dessous, comme deux vieux amis, du moins ils auraient pu. C’eut été un peu prématuré, mais Bastien l’imagine sans peine. Remontant le ruelle, elle commente, explique avec moult détails les particularités architecturales et historiques. Un mot sur chacune des échoppes. Il félicite le guide : ? Ma parole, vous m’épatez, vous connaissez tout ici ? ? Normal , chaque pierre même. En plus d’être née à Pézenas, j’ai travaillé quelques années à mi-temps pour la Maison du tourisme. Il n’ignore plus rien de ce que fut le ghetto quand ils dépassent le square et arrivent à destination. La maison, ancienne, donne directement sur la route de Lézignan qui est très passante. La visite détaillée n’a rien pour motiver d’aller plus loin : rez de chaussée zone jour ; étage : chambres et salle de bains. Le tout « à rafraîchir », comme les murs. Ça coûterait un bras à réaménager et rénover, sans compter le prix demandé… Ils reviennent par la rue du marché… ? Non, finalement, je ne ferai aucune offre sur cette maison, pour les raisons que j’ai évoquées, et en plus, pour moi, c’est mal placé directement en bordure de la route… Finalement ce qu’il me faudrait, c’est quelque chose d’analogue à l’agence, car je crois comprendre que vous habitez au dessus ? ? Oui, c’est la maison de famille. Ceci dit, je vous comprends, mais pour le moment, nous n’avons rien d’autre à vous proposer, malheureusement. Mais qui sait, en fouillant bien... ? Je dois renter sur Paris fin de semaine prochaine, vous avez mon portable, si nécessaire. Je repasse vous voir lundi… En attendant je vous remercie de cette agréable promenade. Une poignée de main pour prendre congé. Pourquoi lui et elle ont eu brièvement l’envie de se faire la bise ? Mystère mystère, ou peut-être le début d’une relation amicale…
Ă” PĂ©zenas....
A suivre
Parceval
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