Le rayon de Lune

Les girouettes sont des rêveuses, c'est bien connu, tourner sans cesse sur un axe en fonction du vent n'est guère favorable à un quelconque équilibre.

Lorsqu'en plus, elles se présentent sous les traits d'un coq aussi querelleur que métallique, le pire est à attendre.

Et pourtant...

Chaque être a son jardin, chaque créature sur la Terre est dotée de sensibilité, et les girouettes aussi ont une âme. En douteriez-vous ? Vous auriez tort.

C'est ainsi qu'un beau soir de décembre 1978, le vent soufflait très fort mais heureusement d'un seul côté, ce qui permettait au coq de l'hôtel de ville de Pontdhermé de garder un semblant de cervelle. Le ciel était plombé de froid.

Un peu avant minuit, le volatile métallique assista à une scène fort étrange : un rayon de Lune, délicat et duveteux, se fit coursier du Père Noël et maître opérateur de magie.

En effet, le rayon transporta dans ses bras lumineux tout un ensemble de paquets enrubannés et de décorations de Noël dans le salon d'une famille pauvre. Cette dernière habitait au dernier étage (sans escalier) d'une maison proche de la mairie. La girouette ne manqua rien de la scène.

Notre coq avait remarqué auparavant à quel point cette famille nombreuse vivait dans la misère. Théoriquement, les enfants auraient dû se priver de cadeaux lors de cette veillée de Noël.

Mais la Lune en avait décidé autrement. Le rayon déposa ses paquets et fila rapidement. La girouette observa les membres de cette famille : les enfants poussèrent très vite des petits cris de joie et se mirent à danser dans la pièce. Les parents gardèrent leur air soucieux. Étonnés, mais surtout méfiants, ils ouvrirent la fenêtre pour regarder en contrebas, s'assurant que non, personne n'était entré par surprise et qu'ils n'avaient pas rêvé : c'était bien la Lune, via son rayon, qui avait apporté les présents.

La joie emplit enfin toute la maisonnée. Un sourire aux lèvres, le père de famille ferma soigneusement les volets et tous fêtèrent dignement la naissance du Sauveur.

La Lune, dans sa bonté, avait épargné la souffrance et les privations à cette famille méritante en ce soir de Noël.

La girouette resta profondément émue par ce spectacle bien étrange. Le coq était un dur à-cuire mais il avait le coeur tendre. Le bonheur de ces pauvres gens lui fit vraiment plaisir.

La lumière divine avait rayonné cette nuit sur la grand-place de Pontdhermé.

Ce fut un vrai Noël pour tous, d'amour et de tendresse.


FIN


(Sphyria)