Le pickpocketJuchée sur son perchoir depuis des lustres à Pontdhermé, la girouette de la mairie trouvait parfois le temps bien long. Sur le toit de l'hôtel de ville, elle bâillait alors à s'en décrocher la mâchoire. Cela mettait en péril la sécurité des passants en contrebas mais peu lui importait.
Elle avait pourtant de la distraction : outre les oiseaux, promeneurs du ciel, et les humains, passants pressés, des événements réguliers se succédaient sur la place de la mairie : fêtes, mariages, élections, marché du dimanche...
Le marché était célèbre dans toute la région, tant ses produits locaux, particulièrement goûteux, attiraient les amateurs. Malheureusement, ils attiraient aussi les voleurs, filous et autres pickpockets de la pire espèce.
Pour dire la vérité, le petit manège de ces derniers amusait beaucoup le coq perché de la mairie. Il appréciait cette distraction qui lui faisait oublier qu'en fait, il était totalement immobilisé, dépendant des caprices du vent.
Le dimanche matin, il faisait des voeux pour que la brise souffle dans la bonne direction et ne lui fasse pas tourner le dos à la fête commerciale. Il observait avec attention l'installation des marchands très tôt le matin, puis les premières déambulations des clients, enfin leur arrivée massive en fin de matinée.
Il avait repéré quelques pickpockets qui oeuvraient en toute discrétion. Ces derniers ne se gênaient pas pour revenir plusieurs dimanche de suite. Leurs stratagèmes le fascinaient.
L'un d'eux en particulier, un grand gaillard longiligne, lui plaisait particulièrement. Il lui faisait penser au personnage Croquignol dans la bande dessinée des "Pieds Nickelés". Comment le connaissait-il ? Il faudra lui poser la question.
Cet individu était particulièrement rapide et établissait des records de larcins que le coq fûté se faisait un plaisir de comptabiliser.
Un dimanche, dans la même demi-heure, le nouveau Croquignol avait réussi à dérober pas moins de six porte-monnaies et portefeuilles aux badauds !
Ses cibles avaient été successivement une grosse dame très occupée à sélectionner les plus beaux fruits, un bellâtre occupé à fouiner dans les Antiquités proposées à la vente, une mère de famille qui achetait des jouets en plastique pour ses enfants, un vieillard qui peinait à choisir ses carottes, un couple qui se prenait en photo devant l'hôtel de ville, enfin un policier municipal absorbé par l'écran de son portable !
Sans se faire remarquer, il se rapprochait de ses victimes et, d'un geste rapide de la main, plongeait directement dans la poche entrouverte.
Un véritable exploit d'habileté et de prestesse ! Mais évidemment, sa malhonnêteté lui attirerait tôt ou tard bien des ennuis et ce ne serait que justice.
Toujours est-il que ces petites scènes de rue amusaient fort notre volatile métallique qui, pour un moment, en oubliait de bâiller.
FIN
(Sphyria)