Les confidences du soleilLe soir tombait sur la petite ville de Pontdhermé. Les passants se hâtaient de rentrer chez eux après leur journée de travail et la grand-place du bourg connaissait une belle animation.
La girouette juchée sur le toit de l'hôtel de ville aimait cette heure particulière : le mouvement, le bruit, les clameurs, les klaxons, c'était la vie quotidienne qui défilait sous ses yeux de métal avec un bel entrain.
Le soleil perdait de son intensité, la nuit se rapprochait et tout était paisible dans la bonne ville de Pontdhermé.
Ce soir-là , justement, le volatile métallique eut une sensation bizarre : il avait l'impression qu'on l'observait. Mais aucun oiseau n'était posé sur les tuiles, à côté de lui, et nulle hirondelle ne voltigeait au-dessus de sa tête.
Légèrement inquiet, le coq perché tenta le tout pour le tout et cria très fort, de toute la force de sa gorge métallique:
- Qui m'observe ainsi en catimini ? Répondez, bande de lâches !
Il attendit un instant puis perçut un soupir un peu étouffé.
- C'est moi, le Soleil, aucune mauvaise intention de ma part, je m'étonne seulement de te voir si enthousiaste face à l'animation urbaine en contrebas. J'admire ton intérêt pour ce bruit et cette fureur...
Le coq fut très étonné par cette réponse à laquelle il ne s'attendait pas. Converser avec le soleil, ce n'était pas banal, mais après tout, pourquoi pas ?
Il répondit avec amabilité que ce n'était pas grave mais que cela l'avait un peu angoissé : il était par nature, et non par choix, un grand émotif.
L'immense luminaire diurne resplendissait à l'horizon dans une beauté sans pareille. Ses derniers rayons illuminaient gracieusement la petite ville de Pontdhermé.
La conversation s'engagea entre les deux protagonistes. La voix du soleil faiblissait lentement, en même temps que le jour diminuait. Le crépuscule était là et bien là .
Le soleil confia sa lassitude à la girouette incrédule, il en avait assez, pour tout dire, d'éclairer le monde, ce lieu si violent et si haineux. Il était tenté de ne plus se lever, le lendemain matin, laissant Pontdhermé et le reste de l'univers dans le noir le plus complet.
Les ténèbres ? Plus de lumière ? Finie la danse du jour et de la nuit pour rythmer les heures ? Le coq fut épouvanté et il y avait de quoi.
Avec passion, il tenta de convaincre le soleil de changer d'avis. Ce n'était pas envisageable, même si c'était compréhensible ! Certes, le Mal existait et s'épanouissait avec délice sur la Terre mais en revanche, bien des êtres luttaient de toutes leurs forces pour répandre l'Amour et la fraternité.
Le monde était empli de laideurs, c'est vrai, mais aussi d'actes prodigieux et de splendeurs naturelles ! Il fallait seulement suivre son instinct et illuminer le monde avec amour !
Ses arguments fiévreux semblèrent toucher le soleil. Il réfléchit un instant, répondit qu'en effet, son interlocuteur énonçait la stricte vérité et promit de revenir le lendemain.
Sur ces dernières paroles, le jour tomba complètement, le dernier rayon de soleil s'éteignit et, dans la petite ville de Pontdhermé, la clarté des lampadaires remplaça la lumière naturelle.
FIN
Sphyria
