Une autre histoire - 19 -
Les affaires courantes occupent son attente. Enfin un mail de l’agence Brémond : Le projet de compromis à son approbation, et la date prévue chez le notaire. Bien , après ça il va pouvoir planifier la suite.
? Alors c’est pour vendredi prochain ? J’arriverai jeudi, je passerai te voir…
? Ne réserve pas d’hôtel, j’ai une chambre d’amis…
C’est sans équivoque, même avec de l’humour.
? OK, à bientôt, j’embrasse ma logeuse, partout partout…
Il a pris bien soin d’arriver le soir autour de huit heures, des fois que la grande sœur n’ait pas été au parfum pour eux deux. Pas besoin de toquer fort à l’huis : on l’attend. Après une bise gourmande :
? Tu as fait bon voyage ? Au fait, as-tu dîné ?
Un soupir :
? Non , mais je n’ai pas très faim. Ras la casquette, en plus c’est chiant l’autoroute… Pas d’autre choix.
? Pose ton sac, je nous fais une omelette…
Il acquiesce, pour dire, car la table est déjà mise, s’assied et la regarde s’affairer à préparer la dînette. Un sentiment confus de tendresse pimenté de désir le fait vaticiner; il est sous le charme. Elle, sans se retourner :
? Y a du rosé et de l’eau au frais. A moins que tu veuilles prendre l’apéro ?
Omelette, salade, fromage et fruits, ils ont tout expédié les yeux dans les yeux. Affalés sur le canapé deux places, ils finissent leur café, relax. Presque naturellement elle s’est blottie contre son épaule, mano à mano. Sans un mot, comme un vieux couple. Cette idée l’a traversé et l’affole un peu. Ça fait si longtemps…. Il sourit en face de l’écran muet: manquerait plus que la télé ! Pour donner le change, il étouffe un bâillement.
? Je ne sais pas toi, mais j’ai les yeux qui se ferment. Le marchand de sable va passer. Montre-moi ma chambre que je pose mes affaires.
Elle lui ouvre et rajoute :
? Les bains c’est là , mets-toi à l’aise ... Je range et je te suis…
Cela fait un vingtaine de jours qu’ils ne se sont pas trouvés dans une telle intimité et il se sent intimidé comme un ado boutonneux. Cinq minutes plus tard, détendu, rafraîchi, il sort en tenue de nuit, boxer et teeshirt noirs, sa trousse en main. Elle s’approche, le gratifie d’une bise chaste sur la commissure des lèvres, et dit :
? Bon, Ă moi maintenant, bonne nuit.
Mortifié le Bastien. Il ne comprend pas très bien ce qui se passe. Il pousse la porte, se glisse dans les draps frais, face au plafond, de plus en plus préoccupé. Il l’entend aller et venir, quelques échos d’ablutions, puis la lumière s’éteint…
Au milieu de la nuit, entre veille et sommeil, il entend :
? Tu me fais une petite place ?
Et comment qu’il veut ! Elle prend la main tendue et se love dans ses bras, sans un mot. Nuisette contre tee-shirt. Un moment de tendresse. Il chuchotte :
? Vas-tu m’expliquer ce que j’ai fait pour que tu me snobes ainsi ; à moins que tu ne joues les princesses.
La réponse tardera à venir, sur le même ton :
? Autant te le dire : il y a trois mois, c’est un autre homme qui dormait dans mon lit. Ça me torture encore. Je ne pouvais pas t’inviter dans ma chambre avec ce souvenir. Que vas-tu penser de moi ?
? Le passé, même récent, c’est le passé. On vit avec, ça peut être difficile, mais c’est devant qu’il nous faut regarder. Ici et maintenant, c’est toi et moi. Tu me fais encore crédit ?
? Devine, mais les taux d’intérêts grimpent…
Intermède love-me tender, ils s’endorment sagement, enfin, jusqu’au matin. La nuisette et le pyjama servent de descente de lit. On passera sur le reste, remember Marseillan.
Un entre-deux ....
A suivre
