Plume d'or Inscrit le: 9/6/2009 De: Rouen, Mornes des esses et Casablanca |
L'appel aux armes 13 décembre 1916, en France, dans le département de la Meuse, les tranchées de Verdun s'étendaient comme un labyrinthe cauchemardesque, une toile de boue et de sang où le désespoir se mêlait à chaque respiration. Gereon Eismann né le 17 avril 1898 à Cologne, de Rosa-Maria Eismann née Fischer et de Patrick Eismann, à peine âgé de dix-huit ans, mesurant 180 centimètres, blond de chevelure et ayant de magnifiques yeux bleu azur, le stéréotype de l'homme germanique, selon les étrangers. Ce dernier se tenait au cœur de ce chaos avec ses amis d'enfance, unis par la même misère et une peur commune. Originaires de Cologne, ils avaient été appelés pour défendre leur patrie dans une guerre qui semblait interminable, une guerre qui broyait les hommes et leurs âmes, qui petit à petit détruisait leur humanité.
La boue collait à leurs bottes et la puanteur de la mort emplissait l'air, rendant chaque inspiration une épreuve. Gereon se tourna vers son meilleur ami, Matthäus Hosenberg, né le 12 décembre 1898 à Bonn. Les yeux de Matthäus reflétaient une mélancolie insondable, une tristesse qui semblait être devenue leur compagnon constant. À côté de lui se trouvaient les frères Kristof et Mickaël Mittelsbaum, inséparables malgré l'enfer qui les entourait. Anton Hosenberg, le frère aîné de Matthäus, frottait vigoureusement ses mains gelées, essayant en vain de chasser le froid mordant. Jakob Müller, le plus jovial du groupe, faisait de son mieux pour remonter le moral des autres, racontant des histoires drôles et des souvenirs d'avant-guerre.
"Carlotta, ma chère Lotta," pensa Gereon en silence, le cœur lourd de désir et de tristesse, "si seulement je pouvais être avec toi en ce moment, loin de cet enfer."
Gereon rêvait souvent de Carlotta Rosenwald, sa bien-aimée qu'il espérait épouser à son retour. Ils avaient grandi ensemble dans les rues de Cologne, et leur amour s'était épanoui au fil des années. Chaque jour dans les tranchées, il lui écrivait des lettres, ses mots tremblants d'amour et de peur, espérant que ses lettres lui apporteraient un peu de réconfort au milieu de la tourmente, car cette dernière était très inquiète pour son amant.
Le 14 décembre, l'aube se leva sur un champ de bataille silencieux mais chargé de tension, comme le calme avant une tempête. La veille, ils avaient repoussé une attaque française, et la terre était jonchée de corps, des silhouettes inertes qui ne verraient jamais un autre lever de soleil que le bon Dieu fait. Les rats, devenus des compagnons constants, se nourrissaient des cadavres, plongeant les survivants dans un dégoût profond et une résignation sinistre.
Gereon observa ses amis, leurs visages marqués par l'épuisement et la détresse. Jakob, toujours souriant malgré tout, tenta de plaisanter pour alléger l'atmosphère.
"Tu sais, Gereon, après cette guerre, on ouvrira un café à Cologne. Un endroit tranquille, loin des bombes."
Gereon sourit faiblement, une lueur d'espoir vacillante dans son regard. "Oui, Jakob. Un endroit tranquille..."
Le 16 décembre 1916, l'horreur frappa le groupe de plein fouet. Les obus français commencèrent à pleuvoir sur leur position, déchirant le sol et les corps avec une violence inouïe. Les cris des hommes blessés résonnaient partout, créant une cacophonie de souffrance et de terreur. Gereon et ses amis se recroquevillèrent dans leur tranchée, priant pour leur survie avec une ferveur désespérée.
Dans le chaos, un obus éclata près d'eux, projetant des éclats de métal dans toutes les directions. Gereon se retourna et vit Jakob allongé sur le sol, le regard fixe et vide.
"Jakob ! Non, Jakob !" hurla Gereon, se précipitant vers son ami avec une terreur glaciale.
Kristof et Mickaël arrivèrent à ses côtés, mais il était déjà trop tard. Jakob Müller, l'âme joyeuse du groupe, était mort. La douleur était écrasante, un poids insupportable sur la poitrine de Gereon, ainsi que sur celles de ses amis. La perte de son ami d'enfance était un coup fatal à son esprit déjà fragilisé.
Ce soir-là , Gereon trouva un moment de répit pour écrire une lettre à Carlotta. Sa main tremblait en tenant la plume, et les larmes brouillaient sa vue.
"Ma chère Lotta,
Aujourd'hui, j'ai perdu un ami précieux. Jakob Müller est tombé sous les obus ennemis. La douleur est insupportable, et je me sens si impuissant face à cette guerre insensée. Chaque jour, je pense à toi, à notre avenir. C'est cela qui me donne la force de continuer.
Ton Gereon"
Le 17 décembre, la guerre réclama un autre sacrifice parmi leurs rangs. Anton Hosenberg fut blessé lors d'une attaque, une balle française lui transperçant la cuisse. Gereon et Matthäus accoururent pour le secourir, le portant hors du champ de bataille sous une pluie de balles et de cris.
"Tiens bon, Anton, nous te ramènerons à la maison," murmura Matthäus, les larmes aux yeux, serrant la main de son frère avec une force désespérée.
Anton serra les dents pour ne pas crier, sa douleur évidente dans chaque ligne de son visage. Ils l'emmenèrent vers le poste médical de fortune, priant pour que les médecins puissent sauver sa jambe, son avenir.
18 décembre 1916, la bataille continuait avec une fureur incessante. Gereon, Kristof, Mickaël et Matthäus tenaient bon, malgré la fatigue, la douleur et la peine qui alourdissaient leurs cœurs. Les tranchées étaient devenues leur monde, un univers de terreur, de camaraderie et d'espoir ténu.
Gereon repensait souvent à Jakob, à son sourire, à ses rêves de café. La guerre avait tout pris, mais elle n'avait pas réussi à détruire leur esprit, leur détermination à survivre et à revenir à la maison. Ils se battaient non seulement pour leur propre survie, mais aussi pour ceux qu'ils aimaient, pour un avenir qu'ils espéraient encore possible.
En fin de journée, un calme relatif s'installa, comme une trêve fragile. Gereon prit un moment pour regarder le ciel, pensant à Carlotta. Un jour, ils seraient réunis, et il lui raconterait tout, en espérant que la paix reviendrait enfin.
Mais chaque moment de répit était empreint d'une angoisse sourde, une peur constante que la prochaine attaque pourrait être leur dernière. Gereon, protestant fervent, trouvait du réconfort dans sa foi, même si les horreurs qu'il voyait chaque jour mettaient cette foi à rude épreuve. Il priait souvent, demandant à Dieu la force de tenir bon, la protection pour ses amis, et la fin de cette guerre absurde.
Ses amis, catholiques dévoués, trouvaient eux aussi refuge dans leur foi, bien que leurs prières soient parfois teintées de désespoir. Ils partageaient ensemble des moments de recueillement, leurs différences religieuses s'effaçant face à la réalité brutale de la guerre.
Gereon doutait parfois, se demandant comment un Dieu miséricordieux pouvait permettre une telle souffrance. Mais dans les moments les plus sombres, il sentait une lueur d'espoir, une force intérieure qui lui permettait de continuer. C'était cette foi vacillante mais présente qui le maintenait debout, qui lui donnait la force d'écrire à Carlotta, de soutenir ses amis, et de se lever chaque matin pour affronter un nouvel enfer.
Il savait que, même si la guerre cherchait à les briser, leur esprit, nourri par l'amour, l'amitié et la foi, resterait inébranlable.
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