A l’intérieur du marabout(1) poussait un figuier. A côté du figuier, un abri en forme de petit four construit en terre crue où on déposait des cierges allumés. Après avoir embrassé la tombe et lu la sourate «Al-Fatiha », la première sourate en position dans le coran, chaque villageois déposait sa petite bougie allumée en faisant un vœu. Ce rituel existait depuis la nuit des temps et tout le monde y croyait dur comme fer en sa baraka jusqu’au jour, cinquante ans plus tard, un beau matin, ils ont trouvé un grand trou creusé à la place du figuier, déraciné et jeté sur le parvis.
Des hommes sont venus la nuit, surement des chasseurs de trésor avec un complice, un soi-disant préposé religieux avec des connaissances ésotériques et irrationnelles un des ceux qui cherchent toujours à percer le mystère des couches terrestres. Ce préposé qui avait localisé l’endroit à prospecter, était venu superviser l’opération en proférant des incantations pour retirer le trésor enterré sous terre. Tous les rêves de ce lieu tant sacralisé se sont envolés. On imaginait que cet endroit n’était qu’un lieu où un père de famille avait dû cacher ses bijoux et ses louis d’or en l’absence des établissements bancaires. Les familles les plus fortunées cachaient leurs biens dans les endroits inattendus. A l’époque, tout le monde ne jurait que par « Sidi Chafi ». Nous dépensions toutes nos petites fortunes pour acheter les cierges et les déposer au sein du marabout. Sidi Chafi avait-il bien existé ou était-ce simplement un repaire pour cacher ce trésor ? Quelle déception pour les villageois ! Un trésor à portée de main sans que personne ne s’en fût soucié. C’est avec la rage au cœur qu’ils se relaient pour relater l’évènement. Depuis ce jour, ils ont tourné le dos à ce saint mirage.
(1) Pieux ermite, saint de l’islam, dont le tombeau est un lieu de pèlerinage.
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