BONNE PĂŠCHE 3
INTERLUDE MARIN
Il avait précisé : « On appareille de bonne heure, sept heures au plus tard.Les clients en veulent pour leur argent » Avaient suivi les conseils pratiques et quelques indications pour repérer l’appontement.
Résultat au jour J : saut du lit à quatre heures, toilette de chat, enfiler jeans et baskets, café brûlant, attraper son sac « de marin » préparé la veille, boucler la baraque et roule petit bolide !
L’autoroute est quasiment pour lui. Pas trop de camions. Passé Carcassonne, une vague lueur a l’est. Beau temps. Pour la mer, on verra…News et musique sur Radio-trafic. L’aube se précise vers Narbonne. A droite toute sur la Catalane et bientôt la sortie Sigean. Il est six heures passé lorsqu’il arrive à destination. Il fait grand jour, le soleil s’est levé. Voyons, enfiler le quai du port, puis l’avenue de la mer qui le prolonge. Ah, voilà le portique « JASON MARINE - Sorties en mer- Pêche et Promenades » Mince de bateau : un catamaran de plus de dix mètres ! Et de la place pour garer. Janda est à la coupée qui lui fait signe. Joli nom : Le Corégone.
? Salut, matelot ! Parce que tu vas me servir de second, non mais ! Nono embarque en saluant le capitaine. C’est un vrai palace, ce rafiot. Visite gratuite : Il y a tout pour la croisière : roof spacieux, mini cuisine équipée, cabines et commodités dans les flotteurs, Super gréement, moteurs nickel. Ils tournent discrètement au ralenti. Une vieille 4L dépose le ravitaillement frais, la glacière des appâts, les boissons et casse-croûte ; le mec n’est pas loquace et repart aussi sec.
Les amateurs de pêche sont arrivés : Ils seront six, une majorité avec leur matériel, ils préfèrent. Pourtant il y tout ce qu’il faut à bord. Pierre Jandalby accueille et encaisse à l’embarquement. On lie connaissance, Jacques, Albert, René et les autres. Sympas, tous. Nono prend ses fonctions et offre le café-croissants, puis s’affaire aux amarres, sur les indications du chef. On largue, déhale du quai, le chenal vers la mer. En face, dans le port de commerce, un gros navire, genre cargo mixte : le Commandant Charcot ; Janda explique qu’il fait le service des terres australes. Il fait un peu frais ; impression renforcée lorsqu’ils passent les jetées et prennent la mer, cap au sud. À peine quelques clapotis, une brise légère. On navigue au moteur. Brisée la glace, le groupe s’affaire à monter les cannes au lancer. Obligatoires, les brassières ; de rigueur casquettes, bobs et lunettes de soleil. Car ça promet de chauffer. Une journée magnifique.
Norbert et Pierre s’affairent à préparer les appâts, sardines à découper en lanières, arénicoles sur leur matelas d’algues, hameçons montés, payants ceux-là . Après avoir parcouru quelques miles, on met en panne et on laisse dériver. Le naute en chef balaye à l’écho-sondeur pour repérer une zone poissonneuse. Voila, voilà , on met à l’ancre. Avant de commencer, casse-croûte charcuterie, Fitou rouge et rosé. La mer ça creuse ! L’équipage est au service des pescadous. Nono a hérité d’une canne courte, qu’il cale et surveille du coin de l’œil lorsqu’il n’est pas à la tâche. Parce que ça mord pas mal, maquereaux, grosses muges, soles et même raies pour ceux qui pêchent au fond, qu’il faut aider à remonter à l’épuisette.
Vers une heure, on propose le break. Les deux compères ont préparé du plus sérieux : Apéro, pizza, quiches, rôti, jambon sec et blanc, fromages, fruits et café.
C’est Byzance, la Tour d’argent en mer. Il y a de l’ambiance, chacun y va de ses histoires. Les anecdotes fusent, évoquant des parties mémorables, plus ou moins salées. Le tout émaillé de ruées vers les cannes à l’appel des grelots.
Quand ils s’y remettent, c’est en pilote automatique : sieste et pêche. Nono-Janda, ça marche, les vieux complices se sont retrouvés.
? Viens voir la toile et le gréement, on rentrera à la voile, tu verras c’est super !
 Norbert a quand même du mal à imaginer Pierre dans cette activité à plein temps. Mais il faut reconnaître qu’il est comme un poisson dans l’eau. Vers quatre heures, il demande de dégager un bord et propose la baignade, la mer est a vingt degrés. Ça fait un bien fou. Vers six heures c’est la fin de la récréation. Tandis que les pêcheurs rangent leur matos et nettoient leurs prises, Janda initie Nono à la manœuvre des voiles. Vu le vent léger, le foc et petite voilure. On remonte l’ancre ; un coup de barre pour prendre la risée et on tire des bords vers la cote, l’air vient de là . A la barre, un élève appliqué.
A l’approche de la jetée, le patron lance les moteurs et reprend la main. Le foc est roulé, la voile affalée et gainée dans sa housse. L’accostage est impeccable, manœuvre d’école. C’est vrai qu’avec le nouveau matelot…
Les passagers quittent le bord, apparemment contents de leur journée. La pêche à été satisfaisante ; des amitiés se sont nouées… On se promet de remettre ça à l’occasion. Reste à ranger et nettoyer le bord, armés de balai-brosse et de seaux, Pierre et Norbert s’y emploient. Un repas frugal suit, en tapant dans les restes.
? Alors, mataf, qu’est-ce que t’en penses ?Â
Nono est enchanté, cette journée lui a donné un sacré bol d’air. Ils évoquent les épisodes plus ou moins cocasses qui ont émaillé la sortie…
? Et ça marche bien ton affaire ?
? Au top, mon vieux.Â
? Allez, il faut penser Ă rentrer sur Toulouse.Â
? On se rappelle ? J’ai vu que tu as des talents cachés ; j’aurai peut-être une opportunité d’une semaine de navigation le mois prochain. Tu serais partant ? Pas d’hésitation :
? Off course, moun camin ! Â
Plus tard, sur l’autoroute, Norbert profite des derniers rayons du couchant, en pleine face: lunettes et pare-soleil. Il n’avait pas besoin de cela pour être sur les rotules. On n’a pas idée de ce que représente une journée comme celle là . Mais au moins, il n’avait pas pensé un seul instant à ses problèmes.
Le Corégone
A suivre
Parceval