BONNE PĂŠCHE 4
INVITATION
Nono a repris ses activités de privé. Ce break lui a permis de prendre un peu de recul. En fait, il faut être patient. Tôt ou tard, une occasion se présentera. A lui de saisir sa chance.
On le retrouve autour de Bordeaux, en planque dans les quartiers chics d’Eysines. La mission : un beau-père plein aux as qui se fait du souci pour sa fifille, mariée depuis deux ans à un beau mec frimeur qu’il a bien fallu accepter. Elle, enseignante dans un lycée coté de Toulouse, et lui, on ne sait pas trop, commercial multi carte, vit quasiment à ses crochets. Toujours par monts et par vaux. Elle en est dingue et vit dans un univers ou tout le monde il est beau, gentil, et cætera.
Ancien soixante-huitard, papa, lui, a atterri depuis longtemps. Il l’a mandaté pour tout savoir de la vie du frimeur, au-delà de ce qu’il connaît. Car il flaire un air de gigolo .Un grand classique, donc. Il ne va pas être déçu, le paternel. Elle est tombée sur un pro. Double vie, sans compter les amies, toutes dans un milieu aisé, ça va de soi. On l’aime aussi à La Rochelle, à Nantes et à Poitiers. Il a la santé, l’organisation et des cartes de crédit.
Il va pouvoir rentrer, avec un riche et gros dossier. Avis de coup de vent dans les branches de sassafras. Ça va lui rapporter un max, car il est certain que sa facture sera assortie d’une prime de discrétion conséquente. Pas de quoi pavoiser, car il en a un peu marre de foutre la merde dans la vie des gens qui s’en accommodent telle qu’elle va. La jeune dame est-elle si innocente et aveugle que ça ? Et si ce jeu pervers lui convenait ? Qui le sait ? La peste soit des papas-poule ! Bon, allez, une dernière photo paparazzique et en route. Alors qu’il entame les derniers kilomètres avant le péage, le vibreur lui signale un appel. On verra ça à la maison dans la demi-heure.
Home, sweet home ! Il débarque son matos ; la soirée se passera à ordonner le volumineux compte-rendu de ses investigations. Son client ne sera pas trop curieux de savoir par quels moyens certaines pièces ont été obtenues… Mais avant, la messagerie : C’est Janda qui veut qu’on le rappelle. Depuis la journée de pêche, un coup de fil de temps en temps genre : « Ça va ? Ça va. » Et autres banalités, histoire de garder le contact.
Quand il répond à son appel, c’est nettement plus consistant :
? Nono, tu te rappelles ce je t’ai proposĂ©Â ? Eh bien, j’ai un bon plan qui se prĂ©cise pour la fin du mois : Une dizaine de jours de bateau et du tourisme en mĂ©diterranĂ©e avant de rentrer…Â
Suivent les détails : un voilier à convoyer jusqu'à La Valette pour un bon client.
? Tu auras le temps de devenir un vrai mataf, car nous ne serons que tous les deux Ă la manĹ“uvre. Plus quelques jours sur l’île de Malte, Ă dĂ©couvrir, et retour en avion direct ou par l’Italie. Par contre, j’ai besoin d’avoir ton accord pour tout organiser, avant huit jours. PrĂ©vois un mois d’absence, pour couvrir les alĂ©as.Â
Norbert est vachement tenté : Ça, c’est des vacances ! Il y a quand même des dispositions à prendre. Il donne son accord de principe et promet de confirmer sous trois jours.
Finalement, ça se présente bien. En deux jours, il a le temps de solder, l’affaire du gigolo et le beau-papa satisfait, règle rubis sur l’ongle. Yahooo ! Pour le reste, rien d’urgent ni de conséquent. Il peut sans problème mettre la clef sous la porte le mois prochain. Et, pour conforter sa décision, il fait une descente à la boutique Equinoxe et se fait plaisir : équipement complet de l’aspirant loup de mer depuis les chaussures jusqu’au sac de marin, en passant par les tricots, le futal court et long, le suroît, les lunettes, bonnet et casquette. Arrêtons-là cette énumération.
Au téléphone, Janda est enthousiaste :
? Je savais que je pouvais compter sur toi ! On va pouvoir se payer du bon temps. Il prĂ©cise :Â
? On part de Sète le samedi 4 juin, tĂ´t le matin. C’est plus pratique que tu viennes en train, je te rĂ©cupère Ă la gare ; comme ça pas de problème de stationnement. Le Bordeaux-Vintimille s’arrĂŞte. Ă€ confirmer, il escale Ă Toulouse vers minuit et demie. Tu verras c’est un chouette bateau. On va s’en donner Ă cĹ“ur joie jusqu’à Malte. Je vais rĂ©server la deuxième quinzaine dans une rĂ©sidence hĂ´telière prĂ©s de La Valette.Â
Suivent des tas de recommandations. Nono arrête le flot :
? Mais oui, je suis Ă©quipé…Â
Il repose son portable, prend un peu de recul et se dit : Quand même, Pierre, c’est un sacré chic type, c’est royal ce qu’il m’offre là . Et puis reprend un peu de sens commun : D’un autre coté, ça doit lui rendre sacrément service que je fasse le matelot…vu la manière dont il a insisté.Envisagé comme ça, tout baigne dans la Méditerranée.
Nono rĂŞve
A suivre
Parceval