Plume d'or Inscrit le: 9/6/2009 De: Rouen, Mornes des esses et Casablanca |
Wiener Polizei : "Meurtre de l'ancien nazi" Dans une nuit où le ciel de Vienne était voilé d’un manteau d’étoiles éteintes, le corps sans vie de Fritz Müller fut retrouvé dans une ruelle étroite, proche du quartier Josefstadt. L’obscurité enveloppait la scène, mais l’odeur métallique du sang trahissait l’horreur. J’étais appuyé contre un mur, fumant une cigarette, tandis que j’observais les techniciens prélever des échantillons autour du cadavre. Ma nouvelle partenaire, Sarah Fritzlar, une jeune recrue de 23 ans à l’air studieux, notait frénétiquement les observations faites par l’équipe scientifique. À la lueur des lampes de la police, les reflets des lunettes de Sarah scintillaient, traduisant autant sa concentration que son appréhension. « Alors, Miss Fritzlar, première impression ? » demandais-je avec une pointe d’ironie dans la voix. Sarah redressa ses lunettes, son regard se figeant sur le cadavre. « L’angle des blessures semble indiquer une attaque rapide, probablement avec une lame longue et fine. Le sang coagule rapidement, il ne doit pas être mort depuis plus de deux heures. » J’esquissais un sourire en coin. « Pas mal. On dirait que notre collaboration commence mieux que prévu. » Nous fûmes interrompus par l’arrivée du chef Gerhardt von Königsbergen, un homme imposant, aussi respecté que craint. À peine entré sur la scène, son autorité imposait le silence. « Schwarzmann, Fritzlar, la presse est déjà au courant. Ce meurtre va faire du bruit, alors soyez méticuleux. Fritz Müller n’était pas n’importe qui. » « Un ancien nazi », répondais-je, l’air sombre. Mais pourquoi revenir à Vienne après tout ce temps ? Von Königsbergen hocha la tête. « C’est ce que vous allez découvrir. Récoltez tout ce que vous pouvez : preuves, témoignages. Et, Schwarzmann, surveillez votre humour. Cette affaire est une bombe politique. »
Le lendemain matin, nous nous dirigeâmes vers un café du quartier où Müller avait été vu pour la dernière fois. Le propriétaire, un homme mince au visage marqué par les années, leur expliqua que Müller semblait nerveux ces derniers jours. « Il évitait les regards, murmurait souvent dans sa barbe. Il parlait parfois d’un certain ‘Karl’. Peut-être un ami ? » « Ou un ennemi », corrigea Sarah, le regard acéré. En quittant le café, je m’adressais à Sarah : « Vous commencez à cerner les subtilités de notre travail. Souvenez-vous, ici, rien n’est comme il semble. » Nous nous rendîmes ensuite chez un voisin de Müller, qui rapporta avoir entendu des disputes violentes dans son appartement. La description des cris était évocatrice. « Une femme était présente, j’en suis sûr. Elle criait des mots comme ‘traître’ et ‘vengeance’, mais sa voix était méconnaissable ». Sarah et moi croisâmes un regard interrogateur. La piste s’épaississait, mais des questions restaient sans réponse. Pourquoi Müller aurait-il attiré autant d’hostilités après tant d’années de silence ? Une visite dans les archives de la police révéla que Fritz Müller avait été jugé pour crimes de guerre en 1946, mais libéré faute de preuves concluantes. Sarah, feuilletant les documents jaunis, tomba sur une liste de noms, dont plusieurs avaient été barrés avec la mention "mort suspecte". « Regardez, Heinrich. Les personnes liées à cette liste semblent toutes avoir connu une fin tragique. Cela pourrait être lié à une sorte de vengeance planifiée. » « Ou un tueur organisé », corrigeais-je. « Mais pourquoi attendre si longtemps ? » Nous décidâmes de rencontrer un ancien camarade de Müller, un homme aujourd’hui reclus dans une maison de retraite. Lors de l’interrogatoire, cet homme avoua que Fritz avait récemment été en contact avec des individus "du passé". Les noms mentionnés étaient cryptiques : "Le Loup" et "L’Horloger".
De retour au bureau, Sarah entreprit de rechercher les pseudonymes. Elle trouva un lien entre "L’Horloger" et un réseau clandestin de vengeance juive. « Si c’est vrai, cela changerait tout. Ce meurtre ne serait pas un simple crime, mais une exécution », murmura-t-elle. Moi, de mon côté, je suspectais que Müller avait tenté de reprendre contact avec des réseaux nazis pour se protéger. Notre enquête nous mena jusqu’à un appartement abandonné, où nous trouvâmes des lettres codées signées "K". Je regardais Sarah avec une lueur d’espoir dans les yeux. « Et si "Karl" n’était pas un ami, mais un message ? » Sarah sourit pour la première fois depuis le début de l’affaire. « Alors, on avance, Inspecteur Schwarzmann. »
L’enquête prit une tournure plus tendue lorsque Sarah parvint à décrypter l’une des lettres codées. Le message révélait un rendez-vous planifié à l’auberge "Zum Goldenen Rad", un établissement discret du quartier Leopoldstadt. Sarah et moi décidâmes de s’y rendre incognito. La salle principale de l’auberge était bondée, remplie de discussions animées et de fumée de tabac. Au fond de la pièce, un homme solitaire buvait un verre de schnaps. Il correspondait à la description physique recueillie pour "L’Horloger" : un homme de taille moyenne, cheveux grisonnants, portant une montre de poche en or qu’il manipulait nerveusement. Je m’assis au comptoir, ordonnant un café. Sarah choisit une table proche de "L’Horloger", dissimulant son intérêt derrière un livre. Notre plan était simple : observer et attendre. Au bout de vingt minutes, un deuxième homme entra, jetant un coup d’œil autour de la salle avant de rejoindre "L’Horloger". Son visage anguleux et sa cicatrice distinctive ne laissaient aucun doute : c’était "Le Loup". Je murmurai discrètement à Sarah : « Voilà notre duo. Soyons prudents. » Les deux suspects échangèrent à voix basse, mais Sarah, attentive, parvint à capter quelques bribes de leur conversation. « ...pas de témoins... l’heure approche... » Soudain, "L’Horloger" fit un geste brusque en direction de sa montre, ce qui m’alerta. Je me levai lentement, prêt à intervenir. Cependant, avant que nous ne puissions approcher, "Le Loup" sortit une enveloppe et la plaça sur la table. Puis les deux hommes quittèrent l’auberge, laissant l’enveloppe derrière eux. Sarah récupéra discrètement l’objet, tandis que je les suivais à distance. À l’intérieur de l’enveloppe, un plan détaillé montrait une adresse : un entrepôt abandonné en périphérie de Vienne. L’action se précisait, mais le danger aussi.
L’adresse indiquée menait à un entrepôt massif aux murs décrépis, situé dans une zone industrielle déserte. La nuit tombait lorsque Sarah et moi arrivâmes sur les lieux. Les bruits de nos pas résonnaient sur le gravier, amplifiant l’atmosphère inquiétante. « Pas de voitures », murmura Sarah en ajustant ses lunettes. « Vous pensez qu’ils sont déjà à l’intérieur ? » J’inspectai les alentours. « Possible. Préparez-vous, Miss Fritzlar. On entre doucement. » Nous nous avançâmes prudemment, j’ouvris la porte d’un coup d’épaule. L’intérieur de l’entrepôt était plongé dans une semi-obscurité, éclairé seulement par quelques rayons de lune passant à travers les fenêtres brisées. L’air était lourd et imprégné d’une odeur de métal rouillé. « Par ici », chuchota Sarah, pointant du doigt des empreintes dans la poussière. En suivant les traces, nous tombâmes sur une pièce verrouillée. Je forçais la serrure à l’aide de mon couteau de poche. À l’intérieur, nous découvrîmes une table jonchée de cartes, de photographies et de documents écrits en allemand et en hébreu. « Regardez ça », s’exclama Sarah en examinant une des cartes. On dirait des positions stratégiques. Ces lieux marqués... ça ressemble à des cachettes. Avant que nous ne puissions analyser davantage, un bruit de pas précipités retentit derrière nous. J’attrapai mon arme, tandis que Sarah éteignait sa lampe de poche. « Police ! Sortez les mains en l’air ! » hurlai-je. Une silhouette se dessina à l’entrée. Un coup de feu éclata, me manquant de peu. Je ripostai, touchant l’assaillant à la jambe. L’homme s’effondra en hurlant. Je m’approchai prudemment, mon arme toujours braquée. « Qui êtes-vous ? Parlez ! »
L’homme, grimaçant de douleur, murmura : « Vous... ne pouvez... pas arrêter ce qui arrive. » Sarah s’agenouilla pour examiner l’assaillant. « C’est "Le Loup" », dit-elle, en reconnaissant sa cicatrice distinctive. « Nous devons le ramener au poste pour l’interroger. » Je hochai la tête, mais mon regard se posa sur une horloge murale. L’aiguille des secondes avançait anormalement vite. « Miss Fritzlar, sortez tout de suite ! » criais-je en la tirant vers la sortie. Une explosion retentit, projetant des éclats de verre et de métal tout autour de nous. Nous tombâmes au sol à l’extérieur de l’entrepôt, étourdis mais indemnes. « C’était un piège », grognai-je Et on vient de tomber en plein dedans. De retour au commissariat, "Le Loup" fut immédiatement transféré dans une salle d’interrogatoire sécurisée. Sarah et moi, nous tenions derrière une vitre sans tain, observant l’homme qui, malgré sa blessure, affichait un sourire presque serein. « Pourquoi ce sourire ? » demanda Sarah, les bras croisés. Je haussai les épaules. « Peut-être qu’il pense avoir déjà gagné. Les fanatiques ont toujours cette conviction. Entrons. » Nous pénétrâmes dans la pièce, je pris les devants. « Vous êtes en bien mauvaise posture », commençai-je. « Alors, pourquoi ne pas nous expliquer ce qui "arrive" ? » "Le Loup" nous regarda un instant, puis parla d'une voix rauque. « Ce que vous appelez la justice n'est qu'une farce. Müller et ses semblables ont échappé à tout. Nous ne sommes que les outils pour corriger les erreurs. » Sarah intervint. « Vous parlez de vengeance. Mais ces attaques sont minutieuses, organisées. Ce n'est pas qu'une simple revanche personnelle, c'est une mission, n'est-ce pas ? » L'homme éclata d'un rire nerveux. « Une mission, oui. Müller, et d'autres comme lui, pensaient pouvoir effacer le passé. Mais il y a des mémoires qui ne s'éteignent jamais. L'Horloger garde le temps, et nous agissons selon son signal. » Je penchai légèrement la tête, intrigué. « L'Horloger... encore ce nom. Mais qui est-il réellement ? » "Le Loup" me fixa avec intensité. « Vous n'êtes pas prêt à comprendre. Tout ce que je peux dire, c'est que les crimes de Müller sont gravés dans l'âme de ceux qu'il a détruits. Nous sommes leur voix, leur vengeance. » Sarah posa alors une question clé. « Et vous êtes prêt à mourir pour ça ? Cette explosion aurait pu vous tuer. » "Le Loup" sourit à nouveau, cette fois avec tristesse. « Mourir pour que le monde se souvienne ? Oui. Ce n'est pas un sacrifice, c'est une nécessité. » Je me levai, frustré par les réponses évasives. « Continuez à parler en énigmes. Mais nous trouverons votre Horloger, et il sera le suivant. » À peine sorti de la pièce, Sarah me rattrapa dans le couloir. « Vous avez remarqué ? Il semblait presque soulagé qu'on le capture. Pourquoi ? » Je fronçai les sourcils. « Parce qu'il sait quelque chose qu'on ignore. Et il va falloir creuser vite, avant que quelqu'un d'autre ne passe à l'action. »
Les documents récupérés à l’entrepôt furent minutieusement analysés par Sarah, qui découvrit un schéma récurrent : chaque lieu mentionné correspondait à une cache secrète d’anciens nazis ou de leurs biens volés pendant la guerre. Les positions correspondaient à des villes à travers l’Europe centrale. Une lettre, codée mais partiellement traduite grâce à un manuel trouvé sur place, contenait des directives directes signées par "L’Horloger". « Ce n’est pas seulement un réseau de vengeance », dit Sarah en parcourant les documents. « C’est une organisation qui traque systématiquement tous ceux liés aux pillages ou aux atrocités nazies. Ils agissent comme des exécuteurs, mais avec une précision militaire. » J’acquiesçai, les bras croisés. « Et L’Horloger, leur chef, orchestre tout. Mais pourquoi utiliser ce symbole du temps ? » Sarah hésita avant de répondre. « Peut-être parce qu’il croit que le temps rattrape toujours les coupables. Regardez, ici, il y a une phrase répétée dans plusieurs lettres : "Pour que les aiguilles de l’histoire ne cessent jamais de tourner". » J’attrapai l’une des lettres et la relut attentivement. « L’Horloger pourrait être un survivant. Quelqu’un qui a tout perdu et a décidé de se consacrer à cette mission. » Sarah hocha la tête, son regard dur. « Il reste à savoir comment ils trouvent leurs cibles. Et pourquoi maintenant. » Une analyse des empreintes digitales récupérées sur les documents révéla un nom inattendu : Elias Farkas, un historien juif hongrois disparu en 1945. Officiellement mort en déportation, il avait été un expert en spoliation des biens volés par les nazis. Sa survie expliquait beaucoup. « Si Farkas est L’Horloger », murmurai-je, « il a passé des décennies à perfectionner cette vengeance. Mais pourquoi se révéler maintenant ? » Un silence tomba alors que la vérité commençait à émerger : peut-être que L’Horloger n’avait pas peur d’être découvert. Peut-être que cela faisait partie de son plan. L’étau se resserrait autour de L’Horloger. Les coordonnées d’un dernier lieu furent identifiées dans un document récemment décrypté par Sarah : un château isolé dans la région des Alpes autrichiennes. Sarah et moi montâmes une opération d’envergure avec l’aide des forces spéciales. Au cœur de la nuit, l’assaut fut lancé. Le château était armé, mais les assaillants étaient des membres isolés, incapables de rivaliser avec l’intervention coordonnée. Au centre d’une pièce ornée de cartes et d’horloges antiques, Elias Farkas attendait, calme. « Vous avez enfin rattrapé le temps », dit-il en me voyant entrer. « Mais l’histoire ne s’arrête pas ici. » Après une brève confrontation verbale, Farkas se rendit sans résistance, mais il laissa à Sarah une phrase énigmatique : « Le temps est cyclique, mademoiselle. Vous comprendrez un jour. » Farkas fut arrêté, et son réseau démantelé. Je rentrai chez moi, fatigué mais soulagé, pour retrouver Carlotta et notre fils Karl. Ce moment d’intimité me rappela pourquoi je m’étais battu si durement pour la justice. Sarah, quant à elle, regagna sa petite chambre de bonne dans un quartier pauvre de la banlieue de Vienne. Elle s’assit près de la fenêtre, regardant les lumières de la ville au loin, réfléchissant à ce que Farkas avait dit. Le cycle de l’histoire continuait, mais elle se promit de toujours défendre ceux qui en étaient victimes.
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