Londres s’est dévoilée à travers les brumes de novembre telle une femme dénudée de soie blanche.
Le brouillard avait dévoré les recoins de chaque boulevard, s’engouffrant jusque dans les yeux
vitreux de ceux qui espéraient encore s’en sortir vivants. Faubourgs électriques et éclectiques. Le
temps s’est suspendu dans la noirceur de la nuit. Les rejetés du monde se sont échoués avec moi sur
ces comptoirs humides ne pouvant être essuyés que par la sagesse des aubes. Nous avons ressuscité
là les cadavres de nos idéaux à la lueur de la lucidité jusqu’à sombrer dans la pénombre de la
mélancolie. Des siècles de dépravation, de révolutions avortées aux aurores, d’amours impossibles
crevant d’amertume s’étaient écoulés sur la ville. Le Romantisme suranné se faisait oeuvre d‘art, les
ruelles sombres puant le crime se changeaient en polars. J’ai abandonné quelque part en 2015 des
artistes oubliés entre les artères de la mégalopole, ruinés d’avoir trop vécu, allégories de la tristesse
de notre époque à eux seuls, se réduisant désormais aux pamphlets déclamés sans passion au coin
du bar. Alors que leurs regards brisés déchiraient le brouillard jeté sur les coeurs comme sur les rues.