J’étais là lorsque ce monde s’est effondré une fois de plus, un monde vacillant sous mes pas,
déchiré, éventré jusqu’aux ténèbres, dont chaque blessure s’est faite sceller de béton. On m’a dit
d’avancer à travers ces villes froides et terrifiantes, véritables fossoyeuses de derniers rêves. On m’a
dit d’y raser les murs, d’y longer la route, on m’a fait croire que les cœurs étaient des forteresses à
prendre et que l’amour les changerait en palais. J’ai habité sur cet occident de poussière, suffocant
entre les dédales de mes prisons. J’ai vu les vestiges de Rome se faire piétiner par les cadavres, et
les artères de chaque capitale saigner d’âmes perdues. Mes cris se sont engloutis dans les nuits
autant que dans les coeurs indifférents, étouffés par le poids du soir et des fêtes, là ou seules les
promesses déchues peuvent encore résonner. J’étais là, debout et presque utopiste sur le cimetière
des idées, à noyer chaque échec aux creux de linceuls de liqueur, à explorer ma ville, ces gens
défaits, ces gens faits de miettes. A ramasser chaque éclat de rire par terre pour oublier que le béton
coule dans les failles.