Paroles d'un mort


Je suis mort.

J'erre au hasard dans les jardins de pierre en souvenance du passé.

Dahlia noir de la mémoire, je rôde en mes pétales agacés par le vent. Tous mes parfums s'envolent en drageoir de l'oubli.

Ma silhouette est un songe et j'ai perdu, je crois, jusqu'au désir de croire.

Évanescente vie que celle du défunt translucide !

Pourtant je ne suis plus, j'ai oublié de même celui qui m'habitait, cet être passionné aux colères infantiles, j'apprécie pleinement le noir, la pénombre bruissante, le silence immobile.

J'ai dû aimer, sans doute, un visage de soie, une apparence reine aux vertiges enjôleurs. Que m'importe à présent, je révère seulement le marbre froid et nu.

La brise est mon amie, elle me fait voyager, me transporte en un souffle aux portes du cimetière. Je me garde bien de franchir ses grilles forgées.

Je laisse le tumulte aux humains. Les passions fulminantes ne m'intéressent plus. Tout me semble vapeur dans un monde enfoui.

Je n'ai plus de désir ni d'appétit féroce pour les beaux matins fous aux perles d'horizon.

Le brasier de mon coeur s'est éteint pour toujours. Je ne suis plus qu'une ombre, en instance d'après.

Je ne pleure personne, nul ne songe à moi, le monde est ainsi fait, tout pétri de ténèbres.

Je suis mort.



(Sphyria)