Texte écrit dans les années 90


L’arbre de ma grand-mère


L'arbre qui a vu grandir ma grand-mère
Ce géant, fort d'une vie centenaire
Haut de plus de vingt mètres
Posait grandiose encore hier
Non loin d'un peuplier pyramidal
Derrière la maison ancestrale



Ce colosse aux bras sinueux
Témoin d'élan amoureux
D'échange de promesses et de serments
Constata un matin de printemps
Au dernier jour de mai
Le bonheur d'une jeune mariée



Ce grand maître enraciné
Avec les années sut capter
Le bonheur, la joie de vivre
Les cris, les éclats de rire
D'une ribambelle d'enfants
Sautant, courant, s'amusant



Ce seigneur aux feuilles lobées
Vit ma grand-mère chaque jour livrer
Combat contre orage, vents et marées
Pour à jamais son amour préserver
Les liens resserrer, fortifier, consolider
Ses enfants choyer, entourer, protéger



Ce prince fier à l'écorce crevassée
Par une nuit humide et glacée
Dans la noirceur chagrine de février
Vit ma grand-mère emportée
Vers un lointain mystérieux
Dans la maison des dieux



Ce grand chêne, force de vie
Confident de bien des malheurs
De joie, de rire et de pleurs
Témoin de l'hilarité de la vie
Du sérieux et de l'absurde de celle-ci
Cessa de se protéger contre les intempéries



Aux premiers jours de l'été
Deux hommes vinrent débiter
Le squelette aux membres délabrés
Et de la terre retirer ses racines abîmées
De ce colosse au port rustique
Ne reste plus que le souvenir nostalgique



A cet endroit, ma fille a planté
Un jeune sycomore aux branches effilées
Qui dans quelques décennies
Deviendra le témoin confident
D'enfants, jeunes gens et amants
Des amitiés, des amours consenties

Symphonie