Mon cher filleul,

Depuis ta naissance il semble que tout te soit dû.
Les vies respirent et s'agitent autour de toi comme si tu étais le centre du monde.
L'essentiel de la vie même.
Tu grandis au souffle de ces respirations et les êtres se superposent dans tes journées comme des feuilles de salade dans un sandwich.
Toujours plus garni, toujours plus assaisonné, toujours plus frais.
Petit garçon s'il t'arrive d'éprouver des émotions elles circulent de toi à toi en circuit fermé, bouclé sur lui-même. Les adultes qui composent ton existence, pour l'instant, ne sont là que pour satisfaire tes désirs, apaiser tes peurs, combler l'ennui inhérent à la nature humaine.
Tu t'impatientes si rien ne marche comme l'exige ta pauvre volonté, tu prends pour du courage tes excès de grossièretés et penses t'affirmer dans une saine révolte en prenant ombrage de tout.
Rien n'est trop beau pour toi, Noël, les vacances,les jours, les heures qui passent.
Ta mère se voudrait bouclier afin que ton ciel demeure sans ombres le plus longtemps possible.
Ta mère s'échine à courber un destin, une vie qui t'appartient, pour qu'ils te soient favorables.
Elle tuerait Dieu s'il s'opposait à ton bonheur.
Petit garçon de ce siècle vide et clinquant, nous ne te verrons pas vieillir , ce chemin que nous parcourons côte à côte est bien court et nous te laisserons aller jusqu'au bout avec ton propre rythme, de ton pas dégagé, tête au vent.
J'espère pour toi et la qualité de ta marche que tu laisseras fleurir en ton coeur, et surtout en ton âme, le petit signe fragile de l'amour bienveillant que t'auront laissé ceux qui t'aiment.

Ta marraine .