Plume d'or Inscrit le: 5/3/2008 De: Tunisie |
À Antar Ibn Chaddad À Antar Ibn Chaddad Ils appellent Antar, quand les épées sans nombre Sont pareilles aux éclairs dans les nuées sombres. (Antar Ibn Chaddad)
Ton souvenir, ô, divin poète ! Dans mon esprit reluit toujours Comme le soleil dans le jour Et berce encore mon âme inquiète ;
Fils honni, tu naquis esclave. À ton peuple qui te fuyait Et qui en te voyant riait Tu disais : « Je suis un brave !
Vos fers qui assiègent mon bras N’assiègeront jamais mon âme ! Et mon cœur est plein d’une flamme Qui dans l’univers reluira !
Craignez ce captif sans avenir Que vos cœurs aujourd’hui dénigrent ! Bien que désarmé, le tigre A ses griffes pour assaillir !
De mon front vous fuyez l’ombre ; Bientôt, vous verrez, souverain, De mon fer reluire l’airain, Radieux dans la nuit sombre ! »
Et tu t’en allais, lion maudit, À l’heure où la nuit commence, Dans le Sahara immense Rugir, seul. Le ciel t’entendit
Mais les hommes n’écoutèrent point De ton cœur les plaintes amères, Et l’on voyait fuir les chimères Qui te voyaient venir de loin ;
Les monstres ailés du désert Et les sphinx hideux des dunes Qui, à l’heure où reluit la lune, Ténébreux, chantent de concert,
N’osaient point mettre leurs pas blêmes Où tu as mis tes vastes pas. Et toi, dans l’ombre qu’on ne voit pas, Tu pleurais, ô, sombre anathème !
Ô, maître ! Tes limpides pleurs Mouillaient les cordes de ta lyre, Mais, fier, l’on voyait sourire Ton œil qu’assombrit la douleur !
D’Abla, muse aux chastes regards, Tu t’épris. De loin, sans cesse, Tu contemplais ta déesse ; Le feu qui te rendait hagard
Quand elle passait, radieuse, Devant tes yeux alarmés, Dans ton cœur divin allumé, Éclairait ton âme pieuse !
Quand sa robe, voilant ses charmes, Caressait les sables amoureux, Ton cœur d’un soupir douloureux Était plein, et ton œil de larmes !
Tu n’osais point à cette belle Dire ton amour et tes tourments, Mais, seul sous le noir firmament, Tu chantais sa jeunesse rebelle !
Car, ô, sentence cruelle ! Esclave, tu ne pouvais aimer, Et près d’un sein parfumé Reposer ton sein plein de zèle !
L’hymen radieux qui rayonne Ne pouvait couronner tes vœux Et embraser de tes doux feux Son flambeau qu’il abandonne !
Or, un jour, tu vis venir, pâle, Ton père, ce cruel seigneur, Tremblant, guidé par la terreur À ta tente, ô, heure triomphale !
Et te dire : « Mon fils, je t’implore De secourir tout notre sang ! L’ennemi nous assiège, puissant, Et nos femmes qu’il déshonore
À leurs époux absents ravies, Sont captives de ses guerriers. Ô, de ce péril meurtrier Sauve-nous, et combats pour nos vies ! »
Et, calme, tu lui répondis : « Pour vous je ne puis combattre. La guerre ne sied point aux pâtres ; Ne suis-je point un esclave maudit ? »
« Combats donc pour ta liberté ! Te dit-il. Vaincs et brise tes chaînes ! » L’œil rempli d’une lueur soudaine, Tu pris ton épée. Irrité,
Tu bravas l’armée effrayée. Dieu bénit chacun de tes coups, Et, foudre rempli de courroux, Tu semblais tomber des nuées.
D’Abla le souvenir hantait, ardent, Ton âme à la guerre occupée, En voyant reluire les épées, Tu croyais voir reluire ses dents !
Seul, tu terrassas tes ennemis ; Encore couvert de blessures, Tu allas à ta reine pure Et tu lui dis : « Ô, je gémis
En songeant à vous, douce femme ! Daignez écouter mes soupirs ! Je crains vos hostiles désirs Et je ne crains point les lames !
Depuis longtemps, tigre blessé, De votre feu victime docile, J’errais dans l’univers hostile. Je vous aime. J’avais cessé
D’espérer vos feux propices. Mais je puis vous dire aujourd’hui Et de mes jours et de mes nuits Les tourments et les supplices ! »
Ô, Antar ! À ses yeux si doux Tu étais soumis. Dans la guerre, Haut sur ton destrier austère, Tu venais la voir à genoux !
Seul l’amour ployait ta tête, Noble héros du mal abhorré, Poète par Dieu inspiré, Que ne courba nulle défaite !
Comme l’épée, sur ta lyre penché, Orphée, tu étais Hercule ! Tu disais au mont : « Recule ! » Et à ta déesse : « Approchez ! »
Sois donc béni ! Toi dont les victoires N’assombrissaient point le doux cœur ! Divin poète, guerrier vainqueur, Je loue ton amour et ta gloire !
PS: Chers amis poètes, voici un article que j'ai trouvé dans l'encyclopédie Wikipédia et qui donne une certaine idée sur la vie d'Antar, ce grand poète arabe: "Antar (Antara Ibn Chadded el'Absi) fut un poète arabe pré-islamique du VIe siècle, fils de Chadded, seigneur de la tribu des Beni 'Abs. Il aurait vécu de 525 à 615 après J-C. Antar est né d'une servante abyssinienne, ce qui lui valut un mépris auquel il ne put échapper que lorsque son père lui demanda de participer à une contre-attaque sur des tribus qui avaient attaqué les Beni 'Abs. Il montra beaucoup de bravoure et de générosité, ce qui lui permit, entre autres, de pouvoir séduire Abla, sa cousine, dont le cœur lui avait été longtemps refusé à cause de ses origines et de sa peau noire. Une grande partie de sa mu'allaqât décrit son comportement au combat ; Antar devait participer à de nombreuses batailles, notamment à celles de la guerre de Dahis et El Ghabra, née d'un litige entre deux tribus. Antar périt en 615, assassiné. Il nous reste de son œuvre de courtes stances lyriques, réunies dans le Divan d'Antar, et il est l'auteur reconnu d'une des sept Moallakât, ces poèmes antéislamiques, qui se compose de 75 vers du mètre Kâmil. Ce personnage, notable par son esprit chevaleresque et sa bravoure, se retrouve dans un roman de chevalerie du Xe siècle, Le Roman d'Antar, et dans la symphonie No. 2 de Rimski-Korsakov." Encore une fois, désolé pour tant de longueur. J'ose compter, encore une fois, sur votre bienveillance de poètes et de lecteurs.
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