Vous ne saurez jamais d’où peut venir cette ombre,
Une présence grise en lisière du regard
Qui se tapît, cachée dans un petit coin sombre
Et dont la silhouette se dessine par hasard.
Ce n’est que le lutin à la triste figure,
Qui hante mes chagrins comme une deuxième âme,
Une partie de moi qui glisse par les fissures,
Le reflet d’un visage où mes forces s’entament.
Il suffit d’un instant où mes pensées se vident
Pour le voir sortir du sentier de mes regrets,
Trottinant, insouciant, d’une allure placide
Dans le monde intérieur pavé de mes souhaits.
Parfois il disparaît, sitôt qu’il me devine
Espionnant ses trajets jusque dans mes jardins
OĂą ses mains fouillent et chipent en quĂŞte de rapine
Les espoirs secrets que j’y cultive en vain.
D’autres jours il s’attarde et se retourne en pleurs,
Sans un mot, sans un geste, juste deux yeux noisette
Qui appellent au secours comme la petite sœur
Que je n’ai jamais eue mais que le vide reflète.
Je ne peux lui parler qu’au fond de mes nuits blanches,
De ma vraie voix enfin, lui dire ma requĂŞte,
Mi- pudique , mi- naĂŻve, telle une Ă©nigme Ă©tanche :
« Dis- moi, petit lutin, es- tu femme ou fillette ? »
Mais la question stupide reste sans réponse
Car mon triste lutin repart en sanglotant
D’avoir été frappé par le coup de semonce :
Demeurer l’inconnue que je porte au- dedans.
Et mon cœur trop avide comprend l’évidence
Du lutin femme- enfant qui vit de nostalgie
Et qui cache dans ses larmes le terrible silence
Des souvenirs enfouis dans les trous de ma vie.
A présent j’ai compris qu’elle n’est qu’un fantôme
Synthèse des regrets, mémoire des existences
Qui ont Ă©crit les pages de ma vie de cent tomes
Et qui donnent à mon âme un surcroît d’espérance.
Libérée du fardeau d’être une foule anonyme
Elle s’arrête et regarde mes chemins fleurir,
Car alors, elle peut prendre mille pseudonymes
Pour venir me parler ou seulement… me sourire.
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