OBSESSIONNELLEMENT VÔTRE

plus rien
à broyer
entre les mâchoires de ma cervelle
plus rien
à serrer
dans l’étau de ma pensée

c’est le vide
l’absence de sujet

reviennent alors
mes obsessions obsessionnelles
ventrues velues exsudant
fleurant

elles ne se laissent
ni broyer ni serrer

mon étau est impuissant
ma cervelle est inondée par elles

ma pensée
comme jugulée par
ce gel obsessionnel

une obsession n’est pas un mot
c’est un état
dans l’état

elle vient
quand les mots sont épuisés

l’obsession s’installe
elle ripaille
elle réclame musique
et bonne chair
dès le matin
et jusque dans la geste civique
qui pourrait deviner
que dans un sujet probe
serpente une obsession

elle se répète
elle patine
elle fait s’enfuir de nous
ce bel oiseau de la dialectique

pourtant l’obsession
ne passe pas à l’acte
l’obsession active
serait contrainte à se réinventer
donc mourir

on est trop pris
par son charme toxique
son doux ressassement
qui nous tasse
dans les langes urineux
du régressif

tiens
mais voilà
que je convertis en mots
cet informe compagnonnage
hantise
fantôme vivant
coincé dans mon étau
articulé dans ma mâchoire
il devient sujet

je danse
ai-je dominé mes images ventrues
une obsession plus grande
se substituant à l’obsessionnel poisseux

une obsession des mots
malgré moi

plus forte que tout
sur l’absence d’idée
sur la raison
sur mon sommeil
sur mon jugement
qui ne sait pas l’approuver
ou la haïr

l’obsession c’est ce qui nous fait tenir
contre la fugacité
désinvolte

c’est le nom caché d’une œuvre


JEAN