EvocationOù s'en sont-ils allés, les témoins de mon âge ?
Où ont-ils disparu tous mes contemporains ?
Tous ceux qui du passé avaient la même image,
Tous ceux avec lesquels je me sentais prochain...?
Il y en a trés peu qui ont de cette époque
Un souvenir semblable à celui qui m'est cher
Et peu qui peuvent rire à celui que j'évoque
Lorsque vient la veillée dans les longs soirs d'hiver.
Il y en a trés peu qui ont la souvenance
Du goût de l'eau du puits et du raisin clinton,
Et lorsque je le dis, avec des yeux immenses
La jeunesse regarde, en hochant le menton...
Comme sous les nuées se disperse la lune,
Comme dans le ciel noir se voile le lointain
Le passé se dilue comme coule la dune,
Comme la neige glisse aux branches des sapins.
Encor si on voyait des temps nouveaux éclore,
Plus heureux, plus humains et plus riches d'espoir,
Encor si on voyait se lever des aurores
Plus belles chaque jour, et venir de beaux soirs.
Mais las ! On n'attend rien de ce temps mécanique,
De ce temps usurier, technicien, grippe-sous,
Et il faut un certain optimisme héroïque
Pour y trouver un peu d'humanité dessous.
Où s'en est-il allé le temps de notre enfance ?
Celui qui pour toujours est le temps le plus beau,
Celui que l'on perçoit comme une eau de jouvence
Et qu'on regrettera jusqu'au seuil du tombeau ?
On le regrettera et pourtant, je le pense,
Il n'était pas plus beau que celui d'aujourd'hui...
Il n'était pas plus laid ? Ça n'a pas d'importance,
Sur mes beaux souvenirs j'ai refermé mon huis.
Il n'était pas plus laid ? Ça n'a plus d'importance,
Bientôt, pour en parler, je n'aurai plus d'ami...
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Avec mes amitiés
Alain
Pour voir mon site : Mes vers à moi
""- Ah ! Monsieur ! Que seraient les hommes sans les femmes ?
- Ah ! Madame ! Ils seraient rares ! Très rares !""
(Mark Twain)