LES LARMES D’UN ENFANT REFUGIÉ
Mon enfant, tu as risqué de payer la lourde rançon,
De justesse, tu as esquivé, d’un cheveu, la détonation,
Ta mère n’a pu tous vous sauver, n’êtes-vous pas ses rejetons ?
Pour fuir la géhenne des hommes, elle est partie sans provision.
Ne pleure pas, mon enfant, ton canon de regard est foudroyant !
La nuit, où tout s’assombrit, sauve qui peut, sous les tirs,
L’éclair des balles fend l’obscurité, tu es alors point de mire,
Cache-toi dans les buissons ou derrière les arbres, évite le pire !
Tu as laissé tes petits dessins, tes crayons et ton livre…Qui peut lire ?
Ne pleure pas, mon enfant, ton canon de regard est foudroyant !
Ce matin, tes yeux, cernés, ressemblent à deux brûlures,
Tes joues à des ecchymoses et tes lèvres à des épluchures,
Mais tu dois passer la frontière ; n’est encore finie l’aventure,
Les soldats et les milices sont à tes trousses, à moins d’une encablure.
Ne pleure pas, mon enfant, ton canon de regard est foudroyant !
Te voila arriver à bon port, c’est l’autre côté de la barrière,
Ici, le Destin te fait grâce d’une autre existence moins délétère,
Dans le champ blanc des champignons*, on t’enterre puis déterre.
L’essentiel, mon petit, est de vivoter et de rester groupés, enfants et mère.
Ne pleure pas, mon enfant, ton canon de regard est foudroyant !
Ô mon garçon, tire bien la leçon que t’apprend la dictature,
Quand tu seras grand, seront tatouages les contours de ta blessure,
Peut-ĂŞtre pourras-tu pardonner tes sbires, seront-ils dignes de ta vomissure ?
A présent, viens que j’essuie tes larmes, en tout âme et conscience, il y a fissure !
Ne pleure pas, mon enfant, ton canon de regard est foudroyant !
Un jour, tu seras bon patriote, à complète citoyenneté,
Tu auras tous tes droits, les crimes ne s’effacent par ancienneté,
Le prédateur d’aujourd’hui sera victime de sa propre méchanceté,
Et le roi indétrônable sera ombre éphémère, c’est à Dieu la pérennité !
Ne pleure pas, mon enfant, ton canon de regard est foudroyant !
*Dans le champ blanc des champignons : le camp aux tentes blanches où sont logées les familles réfugiées.