Au bout de ce chemin il y avait la mer,
Sur la coque de noix ils allaient traverser,
Et leur maigre magot, d’un seul coup, dépensé,
Il y avait ce trajet, oh, combien téméraire !
Ils voulaient échapper aux tyrans sanguinaires,
Assez de servitudes, et trop de sang versé,
La mer, bleu d’azur, possible cimetière,
Ils avaient tout quitté, il fallait tout laisser.
Jour et nuit, avancer, toujours, sans se lasser,
Sous le soleil, la lune, à travers le désert,
Les enfants cabossés, le père fracassé,
Comment faire cesser les larmes d’une mère ?
Quand on va vers le nord, s’efface la misère,
Ils pourraient mieux, là -haut, oublier le passé,
Laissant loin derrière eux la morgue militaire,
Ils allaient tous, revivre, vite se reclasser.
Malgré les idéaux des révolutionnaires,
Ils seront le rebut des gens de la cité,
Eux qui étaient chez eux, le vrai sel de la terre,
Chercheront autour d’eux, en vain, la dignité.
Et quand on sait, en plus, que s’échauffe la terre,
Que le niveau des mers demain va progresser,
Comment peut-on rêver d’une paix sur la terre ?
Depuis tous les rivages, des foules vont se presser.
La France refuserait d’être l’alma mater,
Les pauvres, les exténués, elle peut les rejeter,
Mais on l’accuserait d’avoir un cœur de pierre,
Et de fermer sa porte à ces déshérités.
Sur la mer, bleu d’azur, des coques défoncées,
Et des passeurs avides, qui tueraient père et mère,
Certains ne verront pas la France ou l’Angleterre,
Combien auront l’honneur de devenir français ?
Dumnac