J'ai vu les rescapés que nous serons
Et nous le serons sûrement
J'ai répudié mon présent menaçant
Alarmant, effrayant, accablant
J'ai déclenché la sonnette d'alarme
J'ai pleuré toutes mes larmes
J'ai flairé la sueur du fer
Et le soufre de l'enfer
J'ai souffert, mes frères
J'ai vu ce que vous refusiez de voir
J'ai compris ce que vous refusiez de croire
Le futur m'était présent
Le présent m'était pesant
Et les hommes absents
Ne voulaient rien voir
Rien savoir
Rien entendre
Rien dire
Sourd-muets
Ils me faisaient pitié
Plus entêtés que des mulets
Ils s’entêtaient à croire
A l'ânerie des trois singes
Une ignoble bassesse
Qu'ils prenaient pour une sagesse:
Je n'ai rien vu
Je n'ai rien entendu
Je n'ai rien dit
Quelle lâcheté!
Venez admirer leur ignominie
Venez applaudir leur félonie
Pourquoi sont-ils trop bêtes
Pour croire les prophètes
Pour comprendre les poètes?
Quelle folie!
J'ai vu les damnés que nous serons
Et nous le serons sûrement
J'ai demandé pardon
A la Terre
J'ai prié l'enfer
De museler ses cerbères
D'enfermer ses démons
J'ai sollicité le firmament
D'être plus indulgent
De nous donner une ultime chance
Celle de la délivrance
J'ai attendu Noé et son arche
J'ai pris mon bâton de pèlerin
Ma gourde et mon pain
J'ai mis ma peau de chagrin
J'ai sifflé mon chien
Et je me suis mis en marche
Mais le déluge était intraitable
Le gouffre insondable
L'enfer impitoyable
Le ciel impénétrable
Et mes semblables irrécupérables
Quelle tragédie!
J'ai vu les condamnés que nous serons
Et nous le serons sûrement
J'ai entendu sonner le glas
Je nous ai vus passer de vie à trépas
Je nous ai vus perdre la foi
Je nous ai vus nous égarer de la voie
Et je me suis prosterné
Et j'ai prié
Deux fois
Une fois pour mes frères et sœurs
Et une fois pour ma progéniture
Les hommes du futur
Le futur est incertain
Mais demain ne sera point
Quelle fatalité!
J'ai vu les exécutés que nous serons
Et nous le serons sûrement
J'ai vu briller la lame de la guillotine
Luisante, aigüe, tranche et fine
Et je me suis agenouillé
Et j'ai prié
J'ai crié
Personne ne m'a entendu
Personne ne m'a vu
Personne ne m'a cru
J'ai vu venir la crue
Elle a tout emporté
Elle a tout englouti
Elle a tout dévoré
Sans préavis
Personne n'a survécu
Quelle boucherie!
J'ai vu les cadavres que nous serons
Et nous le serons sûrement
Les cimetières manqueront
Les charognards nous mangeront
Nous nous décomposerons
Infectes, nauséabonds
Pestilentiels, répugnants
Nous pourrirons la terre
Nous infecterons l'air
Et nous envahirons l'enfer
Quelle horreur!
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Agadir, le 18/10/2012
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Ma vie n'est plus une barque dans une mer enragée
Et je ne suis plus le naufragé!
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Mostafa, point fat, seul, las, si doux, rêvant de sa mie!!!