S’il est un fruit au monde, qui m’intrigue et m’étonne,
Je dois le confesser, c’est sans doute la pomme,
Si cette boule ronde ne paye pas de mine,
Si d’autres, bien plus qu’elle, abondent en vitamines,
Elle semble avoir l’effet d’émoustiller les hommes,
Et de rendre les femmes plus fortes que des lionnes.
Je ne sais pas pourquoi, au paradis terrestre,
Jéhovah entreprit de planter un pommier,
Et il devint, ensuite, ce fruitier funeste,
Qui condamna les hommes à devoir travailler.
Avant, ils étaient nus, ils durent s’habiller,
Eve, succomba, alors, aux charmes du Malin,
Et puis naquit Abel, qui fut tué par Caïn,
Adam, s’était fourré dans un sacré guêpier.

Tous les dieux, pour les noces, de Thétis et Pélée,
Tous, excepté Eris, semeuse de Discorde,
Qui ne supporta pas d’être ainsi délaissée,
Par vengeance leur jeta la belle pomme d’or
Cueillie dans le jardin, au doux nom d’ Hespérides.
Trois déesses : Aphrodite, Héra et Athéna,
Emmenée par Hermès en haut du mont Ida.
Zeus entendait régler la dispute au plus vite :
Celle qui aurait le fruit serait bien la plus belle.
Pâris, pourtant simple berger, désigna Aphrodite,
Aux deux autres il est sûr qu’il avait fait injure,
Il fallut faire, à Troie cette guerre maudite.

Je préfère rester à l’ombre du pommier,
Avec celle que j’aime, échanger des baisers,
Aussi heureux qu’Ulysse, demi-dieu, demi-homme,
Je n’ai pas voyagé pour voir la Grande Pomme,
On pourrait me juger mesquin et égoïste,
Et dire que dans la vie il faut prendre des risques,
Je n’ai, comme Joachim, voulu visiter Rome,
Mais je me considère le plus heureux des hommes.
Maurice, au canotier penché sur le côté,
L’éloge de la pomme avait fort bien tenté :
« Ma pomme, oui, c’est moi, j’suis plus heureux qu’un roi ! »
Cela lui a valu, certes, quelques pépins,
Il faut cesser, vous dis-je, cette langue de bois,
La pomme est bien surfaite, elle n’est ce que l’on croit.

Dumnac



Mariage de Thétis et Pélée Burne Jones 1873

Lire le poème d'Honoré:
Pommier ou l'arbre de vie