La belle Erato est excentrique
nimbée de vert
ou bien de rose
elle s'endeuille parfois
d'un noir dramatique
D'une main buissonnière
nous peignons ses atours
couleurs des sentiments
des jamais ! des toujours !

La belle Erato est excentrique
voulant à ses pieds nus
des souliers sur mesure
faits d'une alêne fine
et d'habiles coutures

Pour la satisfaire
atteindre l'harmonie
aux accords d'une lyre
il nous faut l'accrocher
la charmer et l'attendre
subir sa torture
sans jamais s'en défendre

De nos efforts ainsi
on pense la conquérir
et l'on croit voir saillir
de sa blanche échancrure
son long col de cygne
offrant son oraison...
Mais au bord de l'étang
le canard va boitant
et la paire de souliers
manque un peu de talons !

La belle Erato est excentrique
couchant sur un paillon
ou sur un drap de soie
C'est une aventurière
elle s'en va elle s'en vient
aux bras de ses amants
pâmée comme la rose
puis glissant de leurs doigts
laisse choir alentour
doux pétales de prose
ou vers incertains...

Souvent la vaporeuse
n'aimant pas la bluette
détourne vague houleuse
la rime de sa ligne
n'insufflant que du vent
dans notre pauvre tête

Alors pour être digne
d'effleurer son doux voile
le pauvre troubadour
s'étend sous les étoiles
pleurant une bergère
pour guider le troupeau

Ô toi ! belle Erato
bienheureuse qu'on t'aime
à bouche que veux-tu
embrasse le rêveur
au clair de tes mots
habille son poème
car sans ta lueur
il s'en vient dévêtu 



Rosaly (décembre 2014)