Parmi les herbes qui dans les champs frémissent,
Les taillis et les pins, les haies de tamaris,
Heureux, je goutais la douce joie de vivre,
Insouciant de l’école et de ses livres.
Lorsque vient l’automne, une à une les feuilles
Annoncent en tombant, le froid, que l’écureuil
Sur son arbre, redoute avec la misère,
Dont trop de pauvres Gens souffrent sur la terre.
Ainsi, quand le facteur dans ma boîte, eut jeté
Cette feuille jaunie, par des mains encrassées,
Je compris que bientôt il me faudrait partir,
Dans les sombres casernes, il me faudrait souffrir.
Hélas ! ce jour vint plus triste que les autres,
Songez mes enfants, il faut quitter les vôtres,
Mes Parents, mes Amis, ainsi que Fiancée,
Tous, larmes dans les yeux, il a fallut laisser.
Timide, inquiet, ma valise en fer à la main,
Aux portes de l’enfer, j’arrivais un matin.
Des bureaux, des papiers, j’en vis et j’en signais
Au long de la journée. Puis je fus habillé.
Je connu le briscard, je connu l’adjudant
Qui ne veut rien savoir, hormis le règlement.
Je bu du jus noir ou les cafards barbotent,
Patates et fayots, l’infâme popote.
Je connu les corvées, du matin jusqu’au soir,
L’eau gelée en hiver, le balai, le frottoir,
Le travail au bureau, machinal et lassant,
Ou le chef de section n’est pas toujours coulant.
Je connu la consigne enfermé en prison,
Pour avoir oublié de fermer un bouton.
Nous qui devons représenter cette France,
Pourquoi attiser la haine et la souffrance ?
Mais un jour merveilleux, un matin s’est levé,
Debout ! la quille est là , un ami a crié.
La joie illumina nos pales visages,
Les cris et hourras menèrent grand tapage
Dans ma tête alourdie, par ces nuits sans sommeil,
Tout d’un coup, brusquement est entré le soleil.
Je vis ma maison, mon lit de laine douce,
La mer et les forêts, les tapis de mousse.
Je pourrai de nouveau, jouir de ces joyaux,
Et voir les jours finir, sans craindre les nouveaux,
Profiter de la vie, libre de mes actions,
Sans avoir à frauder, pour fuir la punition.
Je pourrai à jamais serrer entre mes bras,
Mes Parents, mes Amis, tout ce monde ici-bas,
Rêver de liberté, projetant l’avenir,
Effaçant ce passé, qui un jour doit finir.
Michel GRANIER
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