Même pas dix minutes pour tracer le voyage,
Entre ces deux planètes et leurs jolis visages ;
A peine plus de dix pas faits autour de ma chaise,
Pour changer les orbites ou gravite mon malaise.
L’une est calme et paisible dans son reflet de Lune,
Posée, perdue sur l’eau qui coule à peine aux lignes
Des mots rêvés qu’elle sème sur le sable des dunes,
Enfoncés dans le sol gris- silence des cœurs dignes.
L’autre est toute en douleurs, repeinte de blessures
Corps tendu à tout rompre, phalanges blanches et brûlures,
Prisonnière tremblante dans ces geôles de l’esprit
Où la douceur se brise les ongles et supplie.
Et je vois les deux cœurs à portée de caresse
Les mêmes yeux évadés vers des coins sans lueurs,
Tout un silence énorme de pierres qui se dressent
Devant les voix brisées de deux faibles stupeurs.
Un souffle d’air à peine entre des lèvres pâles,
Un sanglot contenu sous le blanc de l’opale,
Un sourire forcé, glissé là par effraction,
Un regret, une révolte, une résignation.
Les deux sont si fragiles, si remplies d’émotion,
Qu’à les voir on se fane, comme une fleur écœurée,
Et les savoir si belles mène à l’extrême onction,
A la mort, la petite, celle d’un cœur effleuré.
Si choisir c’est mourir, ignorer, c’est tuer !
A quels seins se confier pour n’être pas victime ?
A quel corps le bourreau pourrait- il jurer
Que de l’autre il ne reste plus rien d’intime ?
Et de ces deux absences coulées comme à la cire,
Dans le poids des non- dits qui pèsent à ma bouche,
Je garde une révolte impossible à occire,
Une douleur, un désir : ne plus que l’on me touche !
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