Ce n'était qu'un rêve...
PASTICHE SUR LE SONNET « MON RÊVE FAMILIER »
de Paul VERLAINE
CE N'ÉTAIT QU'UN RÊVE...
Je fais souvent ce songe assurément frustrant
D’une feuille vélin, et qui blanche et sans tâche,
Et que souventefois je déçois, et s’en fâche
Ni tout a fait à tort, et pourtant me comprend.
Car si elle conçoit, et meurtrie découvrant
Qu’elle n’a de pouvoir, hélas, cela lui gâche
Qu’elle ne puisse en rien, redorer mon panache ;
Elle seule pourrait m’aider au demeurant.
Est-ce un mot, une phrase, un mètre ? – je l’ignore.
Pourquoi ? soudainement ma Muse ne m’honore,
Comme si, désormais, les vers n’existaient pas.
Le regard assombri vers la page déserte,
Et le trouble attenant me réveille ici-bas :
Ce n’était bien qu’un rêve… et Dieu qu’il déconcerte !
ANDRÉ
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SONNET ORIGINAL de Paul VERLAINE (1844-1896)
MON RÊVE FAMILIER
Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.
Car elle me comprend, et mon cœur, transparent
Pour elle seule, hélas ! cesse d'être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.
Est-elle brune, blonde ou rousse ? - Je l'ignore.
Son nom ? Je me souviens qu'il est doux et sonore
Comme ceux des aimés que la Vie exila.
Son regard est pareil au regard des statues,
Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L'inflexion des voix chères qui se sont tues.
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Citation :
La poésie se nourrit aux sources de la prose et s'embellit au concerto des mots. (André LAUGIER)