Les Processionnaires.
Par un beau matin bleu
La profession des poètes
Invita ses fidèles
A battre la campagne
Promenant sa bannière
Et les oiseaux chantaient.
Sérieux comme des papes
Nous donnions la mesure
Avec harpes, cithares et même quelques lyres
Ô ! altitudo altidudinum !
Ô ! sainte Poésie !
Esprit divin Ave, Ave !
Dans le ciel on pouvait discerner
Comme un trait de lumière
Qui semblait acquiescer
Sans oser dire mot.
Et les anges chantaient
Miserere, miserere !
Les yeux levés dans l’élan de nos âmes
Nous suivions en troupeau
Nous récitions, nous récitions
Ave, Ave
Certains prophétisaient
Que la Poésie allait
Refaire au monde sa virginité
Miserere, Miserere !
Nous étions sacrétains
En poche nos papiers
Et cette procession
Filait tel un mauvais coton
Jusqu’à sans perdre à laine
Nous récitions
Du coq à l’âne
Une vache sacrée regardait nos souliers
Nous marchions dans sa fiente
Jésus ! Marie ! Joseph !
Elle s’éclata d’un fou rire
Je ne pus reprendre le sérieux
C’est depuis ce temps là que mes chaussettes puent
Miserere, Miserere !
Je les garde à mes pieds, terminaisons terrestres
Miserere ! miserere !
Apprenons à pleurer comme un enfant du monde
Ô! grand Saint, dans ton état de Pierre
Toi qui fus la première
Qu’il n’y en ait plus aucune à jeter!
Pierre-Louis SESTIER
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