Enfant, j’ai voyagé sur l’alphabet
De gauche à droite
J’ai parcouru les lignes d’un cahier
Il fallait tout apprendre
Comment placer ses doigts
La posture de la main,
L’axe du bras
La pince du pouce et de l’index
Avec le support du majeur
Avant les lettres de noblesse
On commençait par les bâtons
Qui devaient être bien droits !
La beauté de la forme
Pour acquérir le sens du rond
Des pleins, des déliés,
Puis le tracé de boucles sur la page
Le k était assez particulier
Il s’agissait alors d’un h
Avec un petit renflement.
Que d’efforts dans la répétition !
Nous progressions dans la chorégraphie
Il fallait enchaîner les tracés
Avec « nos grands fronts studieux »
On montait doucement sur la ligne,
On tournait à droite, redescendait
Pour faire des ponts avant, arrière
Avec deux jambes
Des petites, des grandes boucles.
On parvenait jusqu’à la barre du t
Lorsque tout fut au point
Comme l’exigeait le i
On écrivait son prénom
On s’essayait enfin à celui des copains,
Les jours de la semaine, des mois etc…
Grâce à tout ce labeur
La représentation du monde commençait
Par nos associations de la lettre et du mot
En de multiples images
Dont Rimbaud fut le maître
La forme des voyelles déjà semblait ouverte
Pour une plume d’albatros
Les rouleaux de la mer
Parcheminèrent nos vies.
Pierre-Louis SESTIER
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