La chaîne(1)

Le chiot, dont on ne sait pas la race,
fruit certes d’un croisement sans trace,
pelage marron et truffe noire,
est tout content d’avoir une niche
où se cacher lorsque vient le soir
ou quand il pleut le jour sans relâche
Mais il mord la chaîne qui l’attache,
nerveux, impuissant, la queue en l’air
A la longue il finit par s’y faire,
prend son mal en patience et enterre
tous ses rêves de chiot éphémères
quand il suivait sa mère en courant,
mordillait en jappant sœurs et frères,
bousculait tout ce monde en grognant
pour téter, et se faire lécher
par sa mère tendrement couchée
Enterrés, tous ses rêves d’antan !
A force de dressage et de soin,
un seul maître il reconnaît : le sien
Il l’accueille en sautillant, de loin,
le flairant avant qu’il n’apparaisse,
lui lèche la main qui le caresse,
remue la queue avec frénésie,
oreilles baissées, regard épris
Sitôt qu’il voit des yeux indiscrets
regarder à travers la clôture,
entend la nuit rôder en secret
ou marcher tout près de la demeure,
il aboie, et parfois tel un fou
il s’élance en tirant jusqu’au bout
sur sa chaîne, qui faillit se briser
libérant un démon enragé

Mahmoud Ben Jemâa
17/12/2008