Il s’arrête sur le quai
De son …port,
Comme, subitement pris d’un malaise,
Ou d’une fatigue passagère.
La main en visière sur les yeux,
Le couvre d'un large regard,
Comme s’il était seul maître des lieux.
Il le scrute de part en part,
Comme s'il s’apprêtait à négocier
Rudement sa valeur vénale,
A le céder, la mort dans l'âme,
Mais pas à n’importe quel prix
Et pas Ă n importe qui.
Peut ĂŞtre pour un bon marin
Jeune , ambitieux et sain.
A tout lui concéder,
Chaleurs d’été,
Froid et vagues d’hiver,
Folies de printemps,
Et douceurs d'automne.
Et y céder avec,
Tous les souvenirs de son quai,
Depuis ses beaux levers du soleil
Jusqu’à la fin des aubes.
Aux cris des mouettes,
Et tout le chaos,
Du bruit des passagers,
Qui s’apprêtent à mettre pieds à terre,
S’étirant comme des chats,
Après une beuverie endiablée.
Des voyageurs sans rĂŞves,
Avides de vivre, leur unique plaisir
Comme s’ils craignaient la mort .
Il s’arrête sur le quai,
Pensif, le regard hagard,
Perdu au loin dans le gris,
D’un horizon clos, sombre,
DĂ©sormais incertain.
S’appuie sur le vieux mur du hall.
Un mur qui lui ressemble,
Délabré, dégradé, menacé de ruine.
Un mur qui l’a vu tant de fois,
Partir en mer houleuse,
Mais toujours revenir.
Il ne pense plus aux autres…ports.
Il n’a plus de nostalgie pour eux.
Mais ce port, c’est le seul quai,
Sur lequel il a écrit…ses souvenirs.
C’est le quai où il a gravé,
L’image de la femme,
Qu’il a tant aimé,
Et qui un jour, grisée...
L’a jeté en pâture à sa solitude,
Comme lui il jette
Le reste de ce qu’il mange
Aux poissons de la mer.
C’est le quai de ses amis aussi,
Tous partis, chacun son port,
Ou tombés à jamais dans l’oubli.
Il hoche la tĂŞte de regret,
Une larme Ă bord des yeux,
RĂ©siste et ne veut tomber.
Son monde s’est rétréci,
Il n’y aura plus de mer,
Et son immensité.
Plus de quais, bruyants de vie,
Plus de cris des mouettes,
Ni cliquetis des chaines,
De lourdes ancres.
Il ne lui reste que ce mur,
Croulant…de souvenirs,
Piètre consolation,
Ou il pourra venir,
S’appuyer et voir passer,
Les navires au loin,
Loin de lui .
Des navires, qui ne l’attendront plus,
Et que lui, n’attendra pas.
Et au sifflet d’un arrêt,
Il sait qu’il ne sera plus concerné,
Il sait qu’il ne lui reste plus,
Qu’un peu de terre ferme,
Il sait enfin qu'avec le temps et l'âge
Sa mer, l’a oubliée…
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