LA COMPLAINTE DU CRAPAUD
Un vieux fagot posé au mur est ma demeure.
Et tapi à l'ombre grise le jour durant
Je le quitte de mon pas bancal quand vient l'heure
Où la lune hisse à la cimaise un croissant.
Or, je hante les rêves de l'homme ennemi,
Les charge de malheur d'un coassement plaintif,
Convie les hiboux, ces seigneurs de la nuit,
aux rondes chasseresses aux froissements furtifs.
Je dégoûte. Et sur son balai la sorcière
Maudit les humains d'un glapissement hargneux,
Me survole les nuits chaudes zébrées d'éclairs,
Traquant mon corps scrofuleux semblable au lépreux.
Car de ma peau et de ma bave visqueuse
Elle ira concocter ses potions mortifères,
Ses talismans à l'usage exclusif des gueuses,
Mêlant humeurs séchées et venin de vipère.
Le crapaud-buffle, mon cousin bouffi et flasque,
Assis sous le soleil blafard d'un réverbère,
Ce monstre familier se livrant à ses frasques,
Hérisse d'horreur le dos du retardataire.
Mon destin est scellé ! Une nuit de cavale,
Allant par monts et par vaux vers ma destinée,
-Epopée hasardeuse- un tour de roue fatal
M'aplatira, flaque immonde sur la chaussée.
N.G.