LA NUIT DE L'HOMME
Le jour noie sa lueur. L'ombre met en l'alcôve
Un chemin de cendres aux plis du satin blanc.
Héritière pudique et sacrée, la nuit se love,
Languide, aux courbes dures du corps élégant.
L'homme s'est assoupi tel vulnérable enfant,
Le souffle paisible, la main posée offerte,
Tête ployée vers la plénitude du flanc
Et la moue du divin aux lèvres entrouvertes.
Mais une fièvre enclose agite sa paupière.
Saura-t-il au réveil quel périple improbable,
Quelle épopée il rêvait, quelle lumière
A frôlé son être en abysses impalpables ?
Un vertige d'horreur peut-être où son courage
L'affronte, blessé, aux stigmates de la mort,
Harpie implacable ; ou bien encore à la rage
De tourmentes broyant l'être humain sans remords ?
Mais voici qu'un sourire, un frisson s'en emparent,
Augurant des douces passions qui vont couler.
Un dieu tutélaire a détourné son regard,
Sur l'âme l'a posé captive en cils baissés.
Et l'homme, libre et seul rejoint son firmament
Son ombre survolant. Sait-il encore qu'il “est”,
Que le pesant fardeau, chair où pulse son sang,
Plombe de ses chaînes conscience qui renaît ?
Aux côtés du gisant, effigie de la mort,
La femme, gardienne du cycle de ses nuits,
Vestale de l'amour, contemple de l'aurore
Le doigt qui s'est posé sur l'amant endormi.
N.G.