LE LYNX
Abstrait, le lynx est là , drapé dans sa fourrure,
Sphinx énigmatique et sauvage déchu,
Bête au destin fauché, d'une âme haute et dure,
Ne sachant comprendre le sort qui lui échut.
L'espoir est tenace et de vivre le contraint,
Réveillant en ses reins la féline souplesse.
Il arpente obstiné, d'une ronde sans fin,
L'espace dévolu par la fatale espèce.
Son œil qui sidère se perd dans le lointain,
Amère souvenance de morte liberté.
Et ses sens aiguisés volent se joindre aux siens
Qui sont restés là -bas s'enivrant d'air léger.
S'impose encore à lui morne réalité.
A l'immonde réduit qu'on lui donne comme antre,
S'allonge palpitant le grand fauve ocellé
Qui fixe le néant de sa prunelle d'ambre
Car le lynx a compris qu'il ne verra jamais
Sur le monde s'ouvrir ces vils barreaux funestes,
Qu'il doit se résigner à toujours s'y cogner,
Marcher sans fin, captif, chaque heure qui lui reste !
N.G.