PANIQUE EN LA DEMEURE
C'est à l'heure du thé que l'asile de vieux
Se ranima soudain d'accents licencieux.
L'infirmière prise de furie sensuelle
Voulait sacrifier au boléro de Ravel.
La jeune lascive roule du popotin,
De fièvre possédée, ondule au bas des reins.
Et les gouttes aux nez en demeurent figées.
Restés dans les tasses, détrempent les sablés.
Du jeu de patience, la carte est en suspens.
Les cerveaux hébétés s'imprègnent lentement.
Et la charentaise se prend à tressaillir.
Les biscuits en rythme plongent pour ramollir...
Nuques cassées, dos biscornus, genoux cagneux
Se mettent en branle, se répondent entre eux
Et font se déhancher les antiques squelettes,
Entraînés malgré eux dans la ronde aigrelette.
C'est une macabre danse revisitée ,
Saint-Saëns d'un pareil bal aurait pu s'inspirer.
Pris d'un accès de vie, on en perd sa béquille.
La chaise à roulettes, propulsée, part en vrille.
Et voici qu'embrasse le parquet du dentier
Tel autre affligé de tics incontrôlés.
Ils ne savent même pas qu'arthritiques et bancals
Un feu d'enfer les fait mener la bacchanale.
La musique s'éteint. Les piteux égrillards
Claudiquent vers leur coin, hébétés et hagards,
Reprennent leurs non-occupations, catarrheux.
Nulle souvenance d'épisode fiévreux
Ne trouble cervelle et quiétude en la maison.
Et la folle jeunesse a recouvré raison...
N.G.
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Maurice Bejart - Bolero de Ravel Parte 2 (Final) par mayaco1952