L'OMBRE
Caïn, le fiel au cœur, commit l'irréparable.
Depuis ce jour maudit où, d'un sceau d'infamie
Le jugement divin l'entacha pour la vie
D'un remords sans merci, il conçut, pitoyable,
La peur de son ombre, ce morbide doublon,
Funeste privation de lumière divine
Le suivant pas à pas, alors qu'elle illumine
Toute créature, fors l'être en perdition.
Déniant tout repos à l'homme fratricide,
Toujours elle était là , qui épiait l'infâme,
Lui montrait sans répit la noirceur de son âme,
Faisant sourdre l'effroi de sa face livide.
Jusqu'au seuil de la nuit, en clarté, en pénombre,
Elle le suit. Et la relayent, effroyables,
Les succubes hideux qui grouillent innombrables
Au cul de basse-fosse où sa conscience sombre.
Jusqu'au seuil de la mort. L'ombre amère et fatale
Au linceul se coucha . Et le caveau béant,
Son ultime demeure, unit dans le néant,
Son ombre avec la mort, d'une étreinte nuptiale.
N.G.