Albert Ridé - le Génie des bois
LE GENIE DES BOIS
Enfant, je parcourais cette forêt primaire
Qui croît le long du Rhin bravant les millénaires.
La poitrine oppressée d'irrépressible peur,
J'écoute des cimes l'obsédante rumeur.
Les aulnes chuchotent, dans leur roide maintien,
Des cauchemars transis qui hanteront les miens.
Dans les sentiers noircis de lierre enchevêtré,
Les lianes suspendent leurs houppes emplumées.
Vaguement s'agitent les grouillements rampants
Où s'enfoncent mes pas, de cloaques gluants.
Las, des saules juchés sur leurs souches tordues
Frôlent de leurs rameaux l'étrange corps bossu
Mangé de pénombre du vieux chêne prostré
Qui tord depuis toujours ses branches convulsées,
Et son génie chenu grimace menaçant.
Une sylve à l'oeil vert coule un regard glaçant.
Un tronc noir et noueux hérissé de lichen
Cache un gnome hideux dans le creux de ce frêne.
Je perds ma superbe. Laissant là ma réserve,
Je fuis, folle de terreur ces yeux qui m'observent.
Prenez garde, passants qui suivez ces chemins,
Un esprit hante encor l'antique bord du Rhin,
Ultime refuge et ultime sanctuaire.
Son fantôme difforme y rôde solitaire.
N.G.
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