UN RALLYE D'ENFER
Le massif s'éveille sur une aube très pure
Auréolant le ciel d'un fin voile d'azur
Piquetant les feuilles de vives gouttes d'or,
Distillant les parfums que la fleur évapore.
Très bas sur l'horizon, quelques rayons éclatent.
Bouvreuils, geais et pinsons entament leur aubade.
Chevreuils, faons et martres regagnent la tanière.
Le lynx enfin repu, va clore sa paupière.
La fraîche cascade, en son éternelle fuite,
D'un aigrelet chuintement berce la truite.
Voici l'éternité de ce jour triomphant
Rassurant le peuple de la forêt confiant.
Soudain, étrangeté pesante et inconnue,
De brusque anxiété le temps est suspendu...
Des hommes multiples ont investi l'espace,
Courant, vociférant, jetant des cris rapaces.
Les yeux s'écarquillent, se hérisse l'échine ;
L'effroi parcourt le bois, un frisson se devine.
L'écureuil file à son chêne queue dénouée,
La belette s'enfuit de ses longs bonds arqués.
Et se succèdent des monstres pétaradants
Qui hurlent à la mort, et leurs trépignements
Ebranlent la terre, cet ultime refuge
De l'animal traqué et devenu transfuge.
Et tout le jour durant, le gouffre de l'enfer
Exhalera l'horreur, trépidera sur terre,
Sa rage hurlera, déversera sa haine,
Atroce émanation de la fureur humaine.
Puis, petit à petit cesse enfin cette alarme.
L'étau se desserre et puis les hommes désarment.
Quelques piétinements, quelques vrombissements,
L'ineffable silence reprend doucement.
Et la forêt s'endort sous la nuit étoilée
Qui calme dans le noir les bêtes éprouvées,
Rêvant de leur journée, cauchemar hébété,
Jusqu'au petit matin du soleil délivré.
NG
N.G.