« Je vois ces effroyables espaces de l’univers qui m’enferment, et je me trouve attaché à un coin de cette vaste étendue, sans que je sache pourquoi … ce peu de temps qui m’est donné à vivre m’est assigné à ce point plutôt qu’à un autre de toute l’éternité qui m’a précédé et de toute celle qui me suit. Je ne vois que des infinités… qui m’enferment … comme une ombre qui ne dure qu’un instant sans retour. Tout ce que je connais est que je dois bientôt mourir, mais ce que j’ignore le plus est cette mort même que je ne saurais éviter ». Blaise Pascal, « Pensées ».
Aquarelle de mon amie Rose Guillaume
HIVER
A mon grand-père
Seule plus seule encore
Oui comme seule au monde
Seule avec moi-mĂŞme en moi-mĂŞme
Sans personne vraiment
Sans plus personne au monde
Le pâle hiver a refermé derrière moi
Les portes de l’espoir
Il n’y aura plus d’été semblable
Plus aucun jardin véritable
Chaque feuille inutile
Aux sentiers oubliés
Pour toujours est tombée
La pâle neige a recouvert la terre
La terre roide et comme ensevelie
Et les nuages sont passés en masse
Les pluies les vents
Mais tout est vain
A présent
Combien me voilà seule à présent
Avec ces plantes inutiles
Ces arbres qui n’ont plus de nom
Et ces nuages dérisoires …
Combien auparavant
La terre en son essence
Ma paraissait sacrée
Et combien chaque plante pour moi
Possédait son histoire
Et chaque oiseau son nom
Combien me voilà seule à présent
Seule sans cet homme sage et bon
Et pour qui chaque fleur avait un nom
Et chaque pluie sa signification
Combien me voilà seule désormais
Transie et sans cesse assaillie
D’un univers de souvenirs
Combien me voilĂ seule
Sans guère d’avenir
Seule à l’approche de la mort
De son étouffement …
Me voici à présent
Oui comme seule au monde
Et sans cet homme simple et bon
Les mouvantes saisons
Paraissent dérisoires
Les sentiers délaissés
Et les arbres sans âme
Et sans histoire
Combien me voilĂ seule
Épouvantée désormais
Face à l’enlisement prochain de la mort
Qui en dépit de tout
Je ne sais quand ni oĂą
Viendra donc Ă son heure
M’enlever à mon tour
A cette vie que j’aime
1981
Rythmes p. 32
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