La note de blues
Monte comme une onde dans un couloir sombre,
Provenant d’un refuge où le vent se fait nombre,
Allant droit devant, dansants des bonheurs subtils,
Qui se dissimulent sous des doigts alourdis et tactiles.
Se fut dans un quartier nocturne qu’elle prit naissance,
Entourée de bidons pliés et des urnes au teint rosâtre,
Du à une faible lumière tamisée aux odeurs d’essence,
Dans ce bouge conquit d’un sourire fixe comme du plâtre.
Se nichant discrètement dans des poitrines faméliques,
Pour insuffler son air de révolte, sa volonté de s’envoler,
On est toujours affamé quand la récolte et verte et sans blé,
Mais lorsqu’on se sent le droit de crier, elle vient héroïque.
Venu de l’aube de l’existence pour apaiser les esprits,
Sortant des cœurs délaissés de l’Amérique des ghettos,
Résonant dans les cuivres et les voix suaves de maux,
Pour exprimer la peine des hommes qui chantent leur vie.
Qu’elle soit dans un orchestre aux mille yeux hagards,
Ou solitaire dans un gosier séché par les lueurs notoires,
Des voitures excitées d’une ville obstruée par le brouillard,
D’une nuit qui tombe, rien qu’une fois, pour croiser son regard.
Elle est à mon oreille qui rougit à sa rencontre,
Comme le fer chaud sur la peau d’un mutilé,
Une flèche empoisonnée d’une douleur effacée,
Pour qui, pour quoi, a-t-on peur qu’elle se montre ?
Elle, c’est la note de blues, le cri du saxophone,
Qui à jamais vivra dans les collines qui résonnent.
Venez rien qu’une fois partager ses vibrations,
Et plongez vous dans son pays fait d’imagination.
L.P