VILAIN PETIT CANARD
Dans une triste enfance, il advient que sourient
Chance, amour et beauté. Pauvres souffre-douleur,
L'amour d'une mère, de dévotion pétri,
Se sublime parfois pour conjurer vos pleurs !
C'était Maman Cygne en grande étourderie,
Qui alla pondre un Å“uf au voisin nid propret
D'une dame colvert. En bonne confrérie,
Toutes deux couvèrent de leur patience armées,
Le temps étant venu on vit éclore enfin
Cinq menus canetons, trois petits cygnes gris.
Maman Cane voyant de son dernier poussin
La taille et le duvet, retint un «couac» surpris.
Les petits grandissaient. En butte aux moqueries,
Le caneton pataud, de malheur renfrogné,
S'en allait réclamer le maternel appui.
« Tu es bon et hardi » dit-elle contristée.
Mais la différence n'est que fort peu admise.
Partout il fut chassé, car certains becs méchants
Jamais assez tranchants, piquaient sa robe grise
Et le laissaient meurtri, saignant et pantelant.
Apercevant au loin les nobles oiseaux blancs
Gracieusement posés, arquant leurs cols graciles,
D'un bonheur convoité, son petit cœur souffrant
Caressait à présent le beau rêve fragile.
Or, il advint qu'un jour, sur l'onde se mêlèrent
Les nouvelles nichées. « Que sont beaux vos amours »
dit le cygne, « Le gris ravit mon cœur de mère.
Jusqu'ici, mes couvées par quatre allaient toujours,Â
Et cette lacune, pour mon plus grand bonheur,
Ce bébé comblerait. » Le petit canard gris,
A son aile blotti, quémanda sa chaleur.
Et la cane accablée, son amour sacrifie.
Et le splendide oiseau, dès lors qu'il eut grandi,
Lui-même devenu l'un de ces cygnes fiers,
Comprit de l'exclusion la sinistre folie,
Et d'un cœur crucifié, le cadeau d'une mère.
NG