Bonjour Pierre-Louis
Un poème concis mais qui en dit beaucoup et mène à d'autres textes.
Amicalement
Nat
---
Voilà un poème de Siegfried Sassoon:
CONTRE-ATTAQUE
Depuis des heures nous avions atteint le premier objectif
Quand l’aube pointait, telle un visage dont les yeux cillent,
Blafard, hérissé et rogue, aveuglé de fumée.
D’abord tout semblait aller bien, nous tenions leur ligne,
Les sapeurs Ă leur poste, les Lewis en place,
Et le cliquetis des pelles creusant plus profond la tranchée.
La mort avait pourri l’endroit ; des jambes vertes, gauches,
Balancées en l’air, étalées, jetées le long des sapes,
Et des bustes basculés dans la boue qui aspire,
Ballottés comme des sacs à sable piétinés, mal remplis,
Et des culs à l’air, trempés, des cheveux emmêlés,
Des têtes gonflées, avec des caillots, englués dans la vase.
Puis vint la pluie- la bonne vieille pluie !
Un soldat bâillait, à genoux contre le remblai,
Secouant le matin voilé de brouillard.
Il demandait quand les Allemands s’y mettraient ;
Et bien sûr, ils y sont allés au quatre vingt quinze,
Qui fauchait, sûr comme le destin, sans un raté.
Muet dans le fracas des obus, il voyait Ă©clater,
Soufflant la terre noire et les barbelés dans les bourrasques d’enfer,
Et les postures de géants s’envolaient en lambeaux de fumée.
Il se cachait, se dérobait, dans le vertige sans frein de la peur,
Mourant de fuir, haïssant l’horreur étranglée
Et les gestes de boucherie frénétique des morts.
Un officier descendit la tranchée à tâtons ;
« Debout, en première ligne ! » Il continua…
Haletant et gueulant, « Première ligne…contre-attaque ! »
Puis la brume se leva. Bombardement sur la droite
Vers la vieille sape; mitrailleuses Ă gauche;
Et devant surgirent des formes floues, trébuchantes.
" Mon dieu! Ils nous viennent dessus!" Les balles claquaient,
Il se souvint de son fusil...Feu nourri...
Et il s'y mit, enragé, sauvage...Puis un bang
Le ratatina et le roula de côté, l'envoya d'un coup
GĂ©mir et se tortiller : personne pour l'aider. Il Ă©touffait
Et se défendait des battements d'aile écrasants des ténèbres,
Perdu dans le fouillis confus des cris et des pleurs...
Bas, et plus bas, et plus bas, il s'enfonça et coula,
Saignant à mort. La contre-attaque avait échoué.
-----
A propos de Sigfried Sassoon
Notes prises dans le recueil que je possède :
(D'autres informations prises sur le Net)
« Sassoon ne recule pas devant un propos résolument satirique, s’en prenant explicitement à l’incurie des gradés, à la veulerie des planqués, à la stupidité de ceux qui ne voient en la guerre qu’un spectacle héroïque et édifiant. Il n’y a pas de héros mais plus sûrement le dégoût de tout ce qui nourrit la guerre et la fait durer. »
« IL publie en juillet 1917sa « Déclaration d’un soldat » où il fait part de toute sa défiance à l’égard des autorités militaires
(Il était un jeune officier anglais et il a vécu cette guerre dans les tranchées.)
« Je crois que la guerre est délibérément continuée par ceux qui ont le pouvoir de la terminer » Ainsi certains de ses poèmes s’en prennent-ils aux généraux gâteux, à ces vieilles badernes aigries qui bâfrent aux meilleures tables, tout autant qu’à ces pères ventripotents qui appellent de leurs vœux une guerre assez longue pour donner à leur fils une chance de monter au feu. De même règle-t-il son compte aux plumitifs qui exaltent la guerre, émerveillés du grand nombre de tués. Il y a de toute évidence chez Sassoon une veine de satire et d’humour noir, c’est à dire, désespéré. »
-----
Excuse la longueur de mon passage!!
----------------
Les haillons de l’amour ne se reprisent pas .
Nataraja.